Posture zen et cerveau

Conférence de Maître Kosen au congrès 2013 de la Fédération des Écoles Professionnelles en Sophrologie

Le zen, c’est très simple. C’est basé sur des postures fondamentales de l’être humain. Je vais vous montrer la première posture fondamentale du zen. Avant, les êtres humains étaient singes. Ils marchaient comme ça. Petit à petit, ils se sont assis, bien droits, comme des maîtres zen. Puis ils se sont redressés. Ils ont marché comme ça. Et la conscience humaine a évolué en même temps que la posture. La posture du corps est une pensée fondamentale.

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Conférence de Maître Kosen – congrès de sophrologie

Par exemple, Usain Bolt, le coureur le plus rapide de l’humanité, fait ce geste-là. Tout le monde comprend ce que ça veut dire, et pourtant, il n’y a pas de mots. C’est juste une posture. La manière dont on s’assoit et dont on marche, ce qu’on fait avec ses mains, tout ça a une importance fondamentale.

Posture de zazen

Dans le zen, il y a la posture de Bouddha. Elle existait avant le Bouddha, on en parle dans la Bhagavad-Gita. On s’y assoit sur un coussin d’herbe, et on replie les jambes. Dans la nature, les hommes préhistoriques communiquaient avec les oreilles, avec le nez, avec les yeux, pour voir loin. Ils ont donc voulu se redresser. Et en se redressant, leur conscience s’est affûtée, éveillée.

Voici la première posture. Normalement, on doit faire un lotus complet. On croise les jambes ainsi. On appelle ça le « bretzel ». C’est très important de prendre cette posture. La conférencière précédente parlait de dynamisme et de relaxation.

posture zazen zen
Zazen

On a le système nerveux sympathique et parasympathique. On a les muscles extérieurs et les muscles profonds. On a la respiration superficielle et la respiration profonde. On a la conscience superficielle, corticale, et la conscience profonde, le cerveau reptilien, ou moyen.

Pour se tenir bien droit dans cette posture, il faut pousser la terre avec les genoux. Ça demande un effort, pour être dynamique et avoir une belle posture. Mon maître [Deshimaru] insistait beaucoup sur la beauté et la force de la posture.

Mais en lotus, plus vous vous relâchez, plus les pieds poussent sur les cuisses, et plus les genoux poussent sur la terre. Plus vous vous relâchez, plus vous êtes dynamique, plus vous êtes droit et fort.

Ça n’a rien à voir avec de la relaxation dans un fauteuil ou un lit. C’est une manière d’abandonner le corps à lui-même, tout en étant parfaitement éveillé. C’est la première posture, la posture assise du Bouddha.

Les mains sont également très importantes. On est toujours en train de faire quelque chose avec ses mains : travailler, se protéger… Les mains sont très expressives et sont reliées au cerveau. Prendre cette mudra avec les mains change la conscience.

La concentration est dans nos mains, notre corps, notre système nerveux et le cerveau. Une chose importante également, c’est la pensée, la conscience. Si vous êtes comme le Penseur de Rodin, vous n’avez pas du tout la même conscience que lorsque votre posture est parfaitement droite, spécialement avec la nuque tendue, la tête bien droite, ouverte vers le ciel, le nez et le nombril alignés et que vous respirez de tout votre être.

La pensée n’est alors plus dissociée du corps. Il n’y a plus dissociation entre notre conscience et la moindre cellule de notre corps. Dans le zen, on appelle cela « corps-esprit », en un seul mot.

Voilà la posture fondamentale : zazen.

Posture de kin-hin

La deuxième posture, c’est la posture en marche. En zazen, on abandonne toute chose et on ne bouge absolument pas. Donc, la conscience est spéciale. Mais il y a une autre méditation qui se fait en marchant. On est obligé de bouger.

On fait quelque chose, on avance. On n’avance pas pour attraper quelque chose. On rythme la respiration avec la marche.

La deuxième posture, c’est la marche de kin-hin. Remarquez ce que l’on fait avec ses mains. Un boxeur qui se fait prendre en photo fait cela avec ses mains. Quand on met les mains comme ça, automatiquement le cerveau exprime une forte agressivité.

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Kin-hin

On peut mettre ses mains dans les poches. On peut se mettre les doigts dans le nez. Tout ce qui a été construit ici l’a été par des mains. C’est extraordinaire, la main. Nous sommes les seuls animaux à avoir des mains, elles sont reliées à notre évolution.

Les mains aussi méditent. On met le pouce dans le poing. On place la racine du pouce sous le sternum, on met l’autre main dessus. Ces détails posturaux existent depuis le Bouddha. Des textes anciens expliquent qu’ils ont été transmis en Chine depuis l’Inde. C’est une transmission orale de personne à personne.

Dans le bouddhisme, il y a beaucoup d’aspects. Mais l’aspect méditatif et postural est très important. Il y avait deux grands disciples du Bouddha, Śāriputra et Mokuren (Maudgalyayana). Leur maître spirituel n’était pas sûr de lui : Un jour, ils voient un moine, comme moi, voyez, qui marche sur la route. Ils sont stupéfiés par la beauté de cet homme.

Puis, ce moine s’arrête dans un bosquet pour faire pipi. Et ils ont suivi ce garçon seulement à cause de sa manière de marcher. De sa façon de dégager quelque chose. La deuxième posture, c’est donc la marche.

Lorsque les gens font zazen, c’est très fort. Même des pratiquants d’arts martiaux sont impressionnés par la puissance que cela dégage. Par la puissance de la respiration. Mais comment retrouver cette énergie, cette plénitude, dans la vie quotidienne ? Ce calme, cette concentration.

C’est un point difficile. Car la posture de zazen est extrêmement précise. Au début, on se concentre sur l’aspect technique de la marche kin-hin. Mais une fois qu’on en a intégré tous les détails, à tout moment de notre vie quotidienne. Vous pouvez vous recentrer sur votre être spirituel. Sur votre être qui ne fait pas de conneries.

Je vous ai parlé des mains. La posture fondamentale religieuse, c’est celle-là. Quand vous avez les mains jointes comme ça, rien que de faire ça, ça a un effet sur le cerveau, ça construit un pont entre les deux hémisphères cérébraux. Cette posture est employée dans toutes les religions. Elle est toute simple.

Voyez l’importance des mains !

Posture de sanpaï

La troisième posture… Ah oui, il y a la posture allongée, mais ça, on ne va pas en parler. La posture allongée, comment dormir.

Je vous ai expliqué comment les hommes préhistoriques gambadaient à quatre pattes, petit à petit, ils se sont redressés, et que notre évolution vient de notre posture, de l’irrigation de la colonne vertébrale qui monte vers le cerveau, et du cerveau, qui est un instrument extraordinaire, dont on ne connaît l’utilité que de 10 à 15 % de sa totalité.

On a un gros truc entre les oreilles, qu’on sous-emploie. Chacun a son cerveau ! Chacun a son cerveau ! Comme une adresse IP. Chacun a son cerveau ! Et on est seuls ! C’est très important pour ce que je vais vous dire.

Nos pieds (on va revenir aux pieds…). Vous savez qu’on habite sur une petite Terre. Vous avez vu le film Gravity ? Il fait partie des films qui éveillent véritablement la conscience humaine. À Hollywood, ils font un certain travail de manipulation, parfois.

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Sanpaï

Mais aussi parfois d’information et d’évolution spirituelle. Ce film en fait partie. Et on comprend en le voyant, la fragilité de notre Terre. D’habitude, quand on regarde le ciel, on s’extasie : « Il est bleu à l’infini ! ». Non. Pas à l’infini. 30 kilomètres d’atmosphère. La fin de l’atmosphère se situe entre 30 et 1 000 kilomètres.

Même mille kilomètres, ce n’est rien du tout. Si je vous mets à 30 kilomètres, vous ne survivez même pas une minute. Même mis à part les impôts, nos conditions de vie sont précaires. La Terre est un petit être fragile, vivant. Notre biosphère est minuscule et fragile, il faut la préserver.

On devrait toujours avoir le souci de préserver ce truc. Car nous sommes nés de la Terre. Ce miracle de la vie qui a eu lieu sur Terre est éphémère. Nous sommes nés de la Terre. Et nous avons tous les pieds qui pointent vers le même centre, celui de la Terre.

Donc, nos pieds sont en communauté. Mais notre tête est unique, personne ne pointe dans la même direction. D’où la troisième posture que je vais vous montrer. Elle est commune à beaucoup de religions, on l’appelle la « prosternation ».

Nous, on la fait comme ça [Maître Kosen fait sanpaï]. Ah, ça fait du bien ! Quand on fait cette pratique, c’est comme quand on fait l’amour : parfois, on ne fait pas l’amour pendant 10 ans, 20 ans, 6 mois… et quand on fait à nouveau l’amour, on dit : « Ah, ça fait du bien, j’avais oublié comme c’était bon ! ».

Quand on fait cette prosternation, c’est la même chose. Je ne plaisante pas. On reformate notre cerveau. Quand on met son cerveau dans l’alignement du centre de la Terre. Ce n’est pas seulement une question d’humilité, ou de se prosterner devant des statues ou devant je ne sais quoi. C’est un truc magique, fondamental, un truc de chamane, peut-être…

Dès le moment où vous faites cette prosternation… Mon maître disait : Ce n’est ni du bla-bla ni de la mystique. On doit pouvoir le mesurer scientifiquement. Ça reformate le cerveau, de toucher en bas. Il est constamment dans sa ligne individuelle. Et là, on se relie à sa racine, à ses frères, au centre de la Terre.

Il m’arrive de le faire et de ressentir quelque chose de fort dans la tête. Ça fait énormément de bien. En même temps, ça relativise le mal qu’on fait autour de nous sans le vouloir. C’est une bonne médecine. Toutes ces postures sont des médecines fondamentales.

Zazen ne sert à rien

J’avais préparé un texte un peu intellectuel. Mais je n’arrive pas à passer d’un sujet à l’autre. Qu’est-ce que j’y disais ? Je reviens au corps et à la préhistoire. On a prouvé que les hommes de Néandertal avaient une pratique religieuse.

On a retrouvé des tombeaux. Ils apportaient des offrandes à leurs morts. Ils faisaient une cérémonie religieuse pour leurs morts. Ce qui est intéressant, ce n’est pas seulement ça ! À l’époque où ils faisaient ces cérémonies religieuses – Or, à cette époque, le langage articulé n’existait pas encore.

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Maîtres Deshimaru et Bodhidharma

Donc, la religion existait avant le langage articulé. Mon maître disait : On lui disait « Ouais, tu veux toujours être le premier… » Mais c’est la religion d’avant la religion telle qu’on la connaît. Où l’on se réfère à des livres. Les livres viennent après la religion, pas avant.

Avant, l’homme ne savait même pas parler. Alors, il prenait déjà cette posture. Ce sont des postures préhistoriques. Alors, par rapport à la sophrologie… Je ne connais pas grand-chose à la sophrologie. Je sais que c’est une mise en application de certaines pratiques de mieux-être, de développement personnel, et qu’il y a une sophrologie qu’on dit « orientaliste », qui s’inspire beaucoup des pratiques yogiques, bouddhiques ou indiennes.

Je voulais vous parler du zazen traditionnel. Je suis accoutré en moine traditionnel.

Le zazen traditionnel ne se pratique pas seul. Ce n’est pas une technique de bien-être. Je vais vous lire ce que le Bouddha a dit, je trouve ça trop génial ! Shakyamuni Bouddha dit à son auditoire :

« L’étude des soutras et des enseignements, l’observance des préceptes, et même la pratique de zazen, la méditation assise, sont incapables d’éteindre les désirs, les craintes et les angoisses humaines. »

Voilà ce qu’a dit Shakyamuni Bouddha.

Alors, moi qui suis un fanatique, il me casse la baraque… Zazen, même le Bouddha dit que ça ne sert à rien ! Alors, qu’est-ce qu’on va faire? Bien sûr, il y a une suite… Mon maître [Deshimaru], quand il a rencontré son maître [Kodo Sawaki], ce dernier disait en conférence « Zazen ne sert à rien, ça n’apporte aucun mérite ! ». Mon maître s’est dit : « Mais c’est vachement intéressant, si ça ne sert à rien ! »