Zanshin

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Kusens de Maître Kosen
Zanshin
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Je vous ai parlé la semaine dernière de l’expression japonaise zanshin. Ça signifie : l’esprit qui demeure, réussir à faire aller notre esprit au-delà de nous-mêmes, rejoindre l’énergie et l’esprit universels. Dans le comportement traditionnel japonais, dans les temples zen, on pratique toujours ce zanshin.

Ça peut se pratiquer dans sa manière de s’exprimer avec les mots, la relation avec les autres. Mais en général, dans les temples zen, on n’utilise pas les mots. Quand on se croise dans un temple, on ne dit pas : « Bonjour, ça va ? Alors, et toi, et ta femme ça va ? Tes enfants, c’est bien ? Ton père, il va toujours bien ? » On se contente de placer les mains à plat l’une sur l’autre, sur l’abdomen, à peu près sur le plexus solaire, et on s’incline légèrement vers l’avant en signe de respect. Il n’est pas nécessaire de se regarder dans les yeux. On communique avec l’esprit universel. Quand on croise quelqu’un, on s’arrête une seconde, on se prosterne doucement, avec respect, avec un petit sourire et on continue son chemin. Ça, c’est zanshin.

Lorsqu’on va faire brûler de l’encens sur l’autel ou qu’on va chercher le kyosaku, on ne fait jamais directement face au Bouddha, par exemple. On arrive sur le côté gauche du tatami qui est par terre, on longe le tatami. On arrive donc à gauche de l’autel. On ne fait pas un pas et puis on se met en face du Bouddha et on le salue. Non, ça, c’est vulgaire.

petite cloche zen

On fait un petit pas vers la droite : on arrive de la gauche, on longe le tatami, on fait un petit pas vers la droite et on reste décalé sur la gauche du Bouddha. Ensuite, on fait deux petits pas pour se mettre délicatement en face du Bouddha. À ce moment-là, on fait gassho, on salue, on fait brûler l’encens si on a besoin, puis on fait deux petits pas de côté et on quitte l’autel.

Si on est le maître, on fait le tour vers la droite. Si on est un disciple, on fait le tour vers la gauche. Ces deux petits pas, c’est toute la différence.

C’est un reste d’énergie et d’esprit universels, ce n’est pas personnel. C’est difficile de comprendre ça à la première explication, parce que c’est très subtil. Zanshin se pratique également dans notre propre respiration.

Pendant zazen, on doit pratiquer zanshin : on ne respire pas bruyamment seulement pour survivre. Si on arrête de respirer, on ne survit pas. Mais, par exemple, on prend son inspiration exactement comme devant l’autel, sans forcer, sans en prendre trop, puis on laisse un petit temps d’arrêt en suspension : zanshin.

Ensuite, on expire sans vider complètement les poumons, naturellement. À la fin de l’expiration, on place un petit temps de suspension.

Ces petits temps de suspension, ce zanshin, ne font pas partie du temps humain. Ce n’est pas notre temps, c’est le temps universel, le temps cosmique. Il n’y a pas de mesure en secondes, en minutes. Vous suspendez. C’est un enseignement très délicat, très profond.

Cette pratique au travers de la respiration, du petit temps d’arrêt à la fin de l’expiration et à la fin de l’inspiration, c’est ça qui permet de relâcher. Très rapidement, vous allez sentir vos jambes lâcher. Pendant votre respiration, vous allez en quelque sorte prendre appui sur cette pause, prendre appui sur zanshin.

Il ne faut pas confondre : zanshin, ça ne veut pas dire compliqué. Seul Maître Deshimaru en enseignait la valeur profonde, spirituelle.