Un vaisseau qui transcende la vie et la mort

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Kusens de Maître Kosen
Un vaisseau qui transcende la vie et la mort
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L’expérience du Bouddha, zazen, n’est pas facilement accessible. Pas parce qu’on veut le garder secret ou que c’est mystérieux. C’est très difficilement accessible parce que pour faire cette expérience, on doit impliquer le corps entier à travers la posture, l’accorder avec le souffle, la respiration, et avec l’attitude de l’esprit, la conscience.

Sensei rappelait toujours ces trois piliers :

  • posture,
  • respiration,
  • attitude de l’esprit.

Ces trois choses doivent s’harmoniser ensemble pour n’en faire qu’une. Et cette unité, cette trinité unie, donne l’expérience de la posture de Bouddha.

Au départ, quelqu’un qui n’en connaît rien et qui par hasard, par curiosité, s’intéresse à la posture, à la pratique de zazen, est complètement perdu, parce qu’il ne connaît pas ce langage, il ne fonctionne pas de cette manière, de manière innée.

Déjà, quand on prend la posture, on utilise son corps comme jamais on ne l’a utilisé.

D’abord, il est rare de rester immobile, à part quand on dort, peut-être.

Ensuite, on croise les jambes. Les jambes, c’est fait pour marcher ou pour faire quelque chose.

Mais croiser ses jambes, c’est quelque chose qu’on ne fait jamais avec son corps. Enfin, on place la main gauche dans la main droite, on fait attention à tous ses doigts, à la posture et au contact des pouces. C’est quelque chose qu’on ne fait jamais.

Souvent, on nous critique à l’école, on nous dit : « Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu te tournes les pouces ? » Normalement, on fait quelque chose avec ses mains, on construit, on écrit, on attrape.

C’est pareil avec son regard. On est habitué à regarder tout ce qu’il y a autour de nous sans arrêt. Et là, on garde les yeux ouverts, mais on ne s’en sert pas, on ne les utilise pas, on ne doit pas regarder quelque chose.

statue bouddha

C’est un monde dans lequel il faut rentrer. Personne ne devrait jamais avoir une raison valable d’avoir envie de s’asseoir comme ça. Il faut avoir une motivation qui pousse à aller chercher, à s’efforcer avec son corps, avec son mental, avec son esprit, avec sa respiration.

Maître Dôgen le dit, et je suis tout à fait d’accord avec lui : sans cette motivation profonde, cette aspiration forte vers la posture et cette précompréhension du corps, personne ne va faire l’effort de pratiquer cette posture des bouddhas ou s’y intéresser.

Maître Dôgen dit que cette motivation naît de la conscience de l’impermanence de notre vie, de la conscience qu’on a peu de temps, que le monde est éphémère, qu’on ne peut s’attacher à rien, que tout est impermanent. Elle naît d’une certaine fièvre, d’une nécessité absolue de trouver comme un vaisseau, un véhicule qui transcende la vie et la mort.

Dôgen dit qu’à ce moment, quand on a cette conscience de l’impermanence, on cherche, on souhaite, on s’engage dans la pratique « Comme si le feu prenait à nos cheveux ». Imaginez que vous ayez les cheveux qui prennent feu. On ne traîne pas cinq minutes avant d’essayer de trouver une solution, de trouver une serviette, quelque chose pour arrêter le feu.

Vous voyez que ce n’est pas commun d’être intéressé par la pratique du zen. Parfois, à six mois près, on va passer à côté. On va nous montrer le zen « Oui, ça m’intéresse, la méditation, j’ai entendu parler du zen, que c’était sérieux », etc. On va demander des renseignements, on va venir à une initiation et on va repartir en disant : « Bof, j’ai essayé, ce n’est pas vraiment un truc pour moi, ça ne m’intéresse pas vraiment ».

Et puis après, dans les six mois suivants, vous allez vivre certaines choses dans votre vie. Six mois, un an après, vous allez réessayer zazen, et vous allez vous dire : « C’est ça ». Votre corps va vous dire : « Ce véhicule, ce moyen d’expression du corps, cette expression totale de notre être à travers le zazen, c’est ÇA, c’est merveilleux, c’est précieux. »

C’est une question de maturité. Sans cette maturité, sans cette nécessité, on n’est pas assez motivé pour rentrer pour pratiquer zazen.

N’importe quelle personne, qu’elle soit intelligente, idiote, riche ou pauvre, grande ou petite, qui imite comme un singe la posture de zazen, qui croise ses jambes, qui redresse le bassin, étire la colonne vertébrale, tend la nuque, pousse le ciel avec la tête, met la main gauche dans la main droite comme on le lui a montré, qui joint ses pouces délicatement, relâche ses épaules, rentre bien le menton et s’assoit sur un coussin, les genoux bien ancrés dans le sol, n’importe quelle personne humaine qui prend cette posture magique devient un bouddha, exprime le Bouddha qui est en elle.