Shinjinmei : les traces s’évanouissent

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Kusens de Maître Kosen
Shinjinmei : les traces s'évanouissent
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Lorsque l’Esprit coïncide avec l’Esprit, alors les semences, les traces, les actions s’évanouissent toujours.

C’est très intéressant et profond, ces poèmes du Shinjinmei. Donc, quand l’Esprit coïncide avec l’Esprit…

Normalement, il ne devrait rien y avoir à faire pour coïncider avec l’Esprit. Cela devrait être simplement normal, puisque nous faisons partie de l’Esprit. Ce qui est anormal, c’est de ne pas coïncider avec l’Esprit. Parfois, en regardant la création sur notre planète, on a l’impression que seul l’être humain est un peu anormal, à contretemps, à contre-courant, empêtré dans son intellect, souvent. Cela commence à poser des problèmes à la Nature qui, elle, est en parfaite cohésion, harmonie, avec l’Esprit.

La bonne nouvelle dans tout cela, c’est zazen. Le fait de se contempler soi-même en zazen, de tourner sa lumière vers l’intérieur, nous reconnecte à l’ensemble du mouvement naturel du cosmos. Il suffit de ne rien faire, de suivre. Souvent, Maître Deshimaru disait :

Vous devez suivre. N’essayez pas d’être individualiste.

La vraie sagesse, c’est de suivre, de s’harmoniser. La meilleure façon de s’harmoniser, c’est de s’immobiliser. J’en ai parlé il y a quelques semaines dans un autre poème du Shinjinmei sur l’immobilité.

Qu’est-ce que l’immobilité ? Où se trouve l’immobilité ? Nulle part. Le mouvement est partout, même quand on s’arrête de bouger. Notre sang circule, nos atomes tournent, notre Terre tourne, notre système solaire suit sa trajectoire, une trajectoire qui suit celle de la galaxie, qui s’inscrit dans un mouvement universel encore plus grand, etc.

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Que l’on regarde dans le grand ou le petit, je ne sais pas où vous pouvez voir qu’il y a de l’immobilité. Par contre, quand on suit ce mouvement immense, c’est ce que Sosan appelle « coïncider avec l’Esprit ». C’est comme sur un manège pour enfants : il n’y a pas d’effort à faire pour tourner. Les enfants sont assis sur les chevaux ou dans les voitures. Ils suivent le mouvement. Ils sont tous heureux. Ils voient les parents au bord qui gesticulent à chaque passage.

Donc, le poème dit quelque chose d’important et d’intéressant. Je reprends la phrase exacte :

Quand l’esprit coïncide avec l’Esprit, les semences, les traces des actions s’évanouissent.

Cela veut dire que l’homme, selon certains, n’arrive pas à se mettre en harmonie avec la nature à cause du corps calleux, c’est-à-dire la partie du crâne qui sépare le cerveau en deux hémisphères, gauche et droit. La relation entre les deux hémisphères n’est pas toujours facile. Comme si on avait bridé les capacités de l’homme par cette contradiction inhérente entre le cerveau gauche et le cerveau droit. Ainsi, il est maladroit et « mal à gauche », et ses actions ont souvent des résultats inattendus, sinon catastrophiques. Et le résultat de ces actions catastrophiques, vie après vie, s’additionne. On appelle cela le karma.

La bonne nouvelle, encore, c’est que Maître Sosan dit que quand on fait zazen correctement, comme on vous l’a appris, le zazen a le pouvoir d’effacer les traces de nos actions maladroites, d’effacer tout simplement les traces de nos actions. C’est merveilleux ! Cela signifie qu’elles sont intégrées dans l’immensité du mouvement cosmique. Donc on ne les distingue plus, elles disparaissent. Nous aussi, quand nous sommes dans le mouvement cosmique, nous nous oublions, notre ego disparaît.

C’est drôle que je tombe sur cette phrase, car hier j’ai regardé sur Internet un monsieur qui habite à Montpellier et qui pratique la permaculture depuis quelques dizaines d’années. Il a la main verte, c’est sa vocation. Il a réussi à adapter les semences de ses salades, de ses fruits et de ses légumes aux conditions climatiques de Montpellier, c’est-à-dire assez sèches et très chaudes. C’est donc le contraire de la phrase de Sosan : les graines s’adaptent et transmettent leur mémoire et leur expérience aux générations suivantes. Il cultive sans pesticides, avec très peu d’eau, sans trop se fatiguer. Il laisse les choses se faire assez naturellement et ses graines sont demandées dans le monde entier.

C’est un phénomène qui existe également dans le zazen, cela s’appelle la transmission. Tout ce que les disciples ont appris depuis 50 ans, depuis que Maître Deshimaru est venu en Europe, toutes les générations qui se sont succédé, qui ont exercé, pratiqué, transmis et reçu l’expérience du zazen, petit à petit, ont acquis en même temps toute l’expérience des générations précédentes.

Maintenant, les débutants qui font zazen arrivent beaucoup plus rapidement à un zazen profond et intense grâce à la transmission des informations des plus anciens. Cela se transmet même silencieusement, même inconsciemment. Ce n’est pas spécialement intellectuel, juste pratiquer ensemble et cela se transmet. C’est un savoir, une culture dont tout le monde va pouvoir hériter.