Mondo mai 2014

Mondo - questions à un maître zen
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Mondo mai 2014
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Published: 20/05/2014 | Updated: 20/11/2024

Question : : La posture du lotus, c’est quelque chose que tout le monde peut atteindre avec de l’exercice ?

Maître Kosen : : Pas forcément.
Il y a des cas où c’est impossible. Par exemple, mon père avait eu un problème osseux dans sa jeunesse, suivi d’une opération, ce qui lui avait laissé une jambe raide. Quand j’avais une vingtaine d’années, on a beaucoup discuté à ce sujet. Je lui expliquais que zazen, c’est la posture royale, celle du Bouddha, et qu’on pouvait réaliser l’éveil à travers cette posture.
Il me disait : « Mais alors, moi, je ne peux pas faire zazen, je suis quoi ? »
C’était une question difficile, car il ne pouvait pas adopter cette posture de manière classique. On peut toujours pratiquer assis sur une chaise ou trouver d’autres adaptations, mais il est vrai que l’idéal est de pouvoir s’asseoir en lotus complet, bien droit.

Cependant, nous sommes soumis aux aléas de la santé : problèmes organiques, accidents, virus… Par exemple, mon maître disait souvent qu’on ne pouvait pas pratiquer zazen quand on est malade.

Question : : Pourquoi ?

Maître Kosen : : Dans les règles des dojos, il est dit qu’on ne peut pas pratiquer zazen si on est malade, et ce pour plusieurs raisons. Avec 40° de fièvre, un arrêt cardiaque, ou sous l’effet de médicaments, drogues ou alcool, ce n’est tout simplement pas possible. Cela inclut également certaines maladies mentales.
Maître Deshimaru disait : « Ceux qui sont dans le dojo, ceux qui pratiquent, sont forcément en bonne santé. »
C’est une position stricte, mais elle a du sens.

D’ailleurs, il y avait une histoire qu’un professeur de yoga m’avait racontée. Ce professeur avait la jambe raide mais voulait absolument pratiquer zazen. Il avait essayé toutes sortes d’aménagements avec des chaises et des coussins, mais un jour, il a dit : « J’en ai marre, je veux faire zazen. » Alors il a pris sa jambe, forcé dessus jusqu’à ce qu’elle craque, s’est assis en zazen… et il en est mort.

Cela montre que nous devons aussi accepter nos limites. Si vous êtes capable de pratiquer le zazen dans sa posture classique, c’est une chance immense. Cette expérience d’éveil, qui unit le corps et l’esprit, est unique. Cela dit, il y a d’autres chemins vers l’éveil. La posture de Bouddha est particulière, mais elle n’est pas le seul moyen d’atteindre la sagesse.

Question : : Est-il vrai que le zazen affecte la circulation sanguine ?

Maître Kosen : : Oui, c’est très spécifique. Dans la posture de zazen, la circulation du sang ralentit considérablement dans les jambes, ce qui fait que le haut du corps est mieux irrigué. C’est une des particularités de cette pratique.

Même après des années, tout le monde ressent cette sensation de jambes engourdies en se levant. Quand on n’est pas habitué, cela peut surprendre. Mais avec l’expérience, on garde son équilibre, et la circulation revient vite. Ce n’est pas un problème en soi.

Question : : Pendant le zazen, y a-t-il une mention de sourire, comme un « sourire intérieur » ?

Maître Kosen : : Cela dépend des écoles.
Mon oncle, qui est devenu moine en même temps que moi et disciple de Maître Deshimaru, insistait sur le « petit sourire intérieur ». C’est une idée que l’on retrouve dans certaines traditions : cela aide à détendre le visage.

Dans l’iconographie, on voit souvent deux représentations :
– Le Bouddha indien, qui sourit légèrement, sereinement.
– Bodhidharma, le patriarche qui a transmis le zen d’Inde en Chine, souvent représenté avec un visage austère, presque renfrogné.

Ces deux images coexistent dans le zen. Pendant zazen, il y a des moments où on se sent immensément bien, une forme de calme extatique, sans douleur ni complication. Mais mon maître disait toujours : « Faites attention à ne pas chercher l’extase. »

Il faut surveiller les crispations du visage et du corps. Parfois, la douleur ou la tension nous font grimacer ou contracter les mains. Ces blocages nuisent à la circulation de l’énergie. Le sourire, dans ce sens, peut aider à relâcher.