Published: 11/07/2016 | Updated: 17/06/2024
Effectivement, l’immobilité intensifie complètement l’énergie et c’est très rare qu’on soit immobile. Peut-être pendant le sommeil profond, mais en étant éveillé, c’est très rare qu’on soit complètement immobile. Donc pendant le zazen, on a l’occasion d’expérimenter véritablement l’immobilité.
Souvent, je dis que finalement le zazen, ce n’est rien d’autre qu’une grenouille assise sur une feuille de lotus. La grenouille, elle retourne la langue, elle la met contre le cerveau, puis elle reste immobile comme ça. Et à la fin, je me suis dit : « Le zazen, c’est seulement ça. Qu’y a-t-il de plus ? »
Mon maître Taisen Deshimaru disait tout le temps :
Le zen, c’est revenir aux conditions normales.
Si on est normal, tout est magnifique. C’est bien ça qui est horrible. (Ha ! Je commence à être pessimiste ! ) C’est bien ça qui est horrible sur cette planète : quand on est normal, tout est magnifique ! Cette terre est magnifique, tout est magnifique, tout est un cadeau, tout est un paradis ! Mais on n’est pas normaux. Et je vous dirai que moi, je sens la différence : ma conscience et mes pensées, au bout de 24 heures sans pratique, ne sont pas les mêmes que quand j’ai pratiqué.
Donc c’est pour ça que le pilier du bouddhisme, c’est cette immobilité, cette posture de zazen, cette conscience-là qui se met en harmonie avec le souffle cosmique, qui expulse ce qui est mauvais, qui reçoit ce qui lui manque et qui se remet simplement en équilibre, comme une grenouille. S’il n’y avait que des grenouilles, il n’y aurait aucun problème sur la planète ! Et encore, grâce aux grenouilles, on a une bonne influence parce que la méditation donne une bonne influence pour tout le monde.
Près de Montpellier, près du Pic Saint-Loup, il y a un petit lac très calme, et là il y a des pierres sur lesquelles ont peut s’asseoir et méditer. Et tout d’un coup, il y a des grenouilles qui se mettent à chanter ensemble et c’est un chant méditatif magnifique.
Il ne s’agit pas de chercher des trucs compliqués, mais de revenir aux conditions normales. Il faut que ce soit le souffle qui domine sur la pensée et les émotions, et non l’inverse. Aucun être humain n’est capable de maîtriser cela sans pratiquer zazen. En dehors de zazen, dans la vie, il faut penser, réagir, etc., et on reçoit des influences mauvaises. Quelqu’un vous frôle en voiture, ça vous stresse, etc. L’échange est de plus en plus déformé. Les Français aiment beaucoup la pensée, mais ce n’est pas si précieux que ça. La pensée est un sous-produit ; il n’y a pas besoin de penser, la respiration suffit.
J’avais entendu parler d’un soutra où un disciple du Bouddha allait chercher un bodhisattva dans une autre dimension, sur une autre planète, dans un autre univers, où il y avait un autre Bouddha. Il va visiter cet autre Bouddha et lui dit :
Shakyamuni Bouddha sur la Terre est en train de faire une conférence. Envoyez-nous un de vos disciples.
Le Bouddha de l’autre univers dit à son disciple :
Ne te moque pas des humains, car ils sont un peu lourds, un peu idiots, mais ils ont beaucoup de mérite, car ils traversent une souffrance très difficile et malgré cela, ils arrivent à pratiquer zazen.
Dans cet univers, pour atteindre le satori, il suffit de cueillir une fleur et de la sentir, c’est facile. Mais le disciple, en venant sur Terre, admire quand même les êtres humains parce que malgré la difficulté de vivre dans cet univers, ils arrivent à pratiquer, à avoir un Bouddha et à écouter son enseignement.
J’ai trouvé cela très joli, mais c’est la même chose. La pensée est un sous-produit de la respiration. Quand vous sentez l’odeur d’une rose ou du lilas, vous n’avez pas besoin de penser. La pensée est abstraite, mais elle est là.