Maître Deshimaru disait toujours que le zen s’adapte, s’est toujours adapté. Cette posture de zazen, et l’état d’esprit qui va avec, se sont toujours adaptés aux circonstances. Et c’est un bonheur, parce qu’à chaque fois, il s’enrichit et enrichit les sociétés ou les civilisations auxquelles il est confronté, avec lesquelles il se mélange.
Dans les années 70, au début, quand Maître Deshimaru est arrivé en France, il pratiquait chez les gens. Il n’y avait pas de dojo, pas de temple. Il n’y avait même pas de kesa ni de rakusu, ou alors très peu. On se réunissait dans une maison, dans la maison de l’un, dans la maison de l’autre. On improvisait un dojo. Le premier dojo que Maître Deshimaru a dirigé, c’était à Paris, en face de la gare… Saint-Germain ? Je ne me souviens plus très bien. Peut-être Avenue du Maine. Et c’était dans un appartement commun.
Un jour, Maître Deshimaru a rencontré un homme chinois qui venait de Chine communiste. Cet homme avait demandé à parler avec lui. Leur discussion était intéressante. Le Chinois disait à Maître Deshimaru : En Chine, on pratique encore le zazen assidûment, mais sous d’autres formes. On a gardé l’aspect médical. Le zazen sert à guérir les maladies, à équilibrer les énergies. Même Mao Zedong pratique le zazen.
Maître Deshimaru était très fier que Mao Zedong pratique le zazen. En Chine, ils appellent ça le « Qi Gong calme ». Ça fait partie de la famille des Qi Gong, des pratiques calmes de méditation. Mais là-bas, ce n’est pas du tout dans un but spirituel. Pour un Chinois, parce que le zen a imprégné la Chine depuis longtemps (pas des milliers d’années, mais beaucoup), s’asseoir en zazen, c’est naturel. Il atteint directement l’état de conscience hishiryo. Il ne pense pas, il est simplement là. Il fait zazen pour sa santé.
C’est un aspect du zen auquel on ne pense plus, en Occident.
Le Chinois était aussi très admiratif de la sangha de Maître Deshimaru. À l’époque, comme il n’y avait pas de temple, on pratiquait chez les uns et les autres, toujours dans des grandes pièces. On appelait ça le zen itinérant. Ce n’était jamais au même endroit. À chaque fois, on improvisait un dojo, un autel, une forme nouvelle. On n’avait pas vraiment noué avec le zen religieux du Japon, mais on en avait pris un peu.