Published: 22/04/2017 | Updated: 05/06/2024
Du mouvement et de l’immobilité. C’est très important parce qu’en zazen, on reste immobile, en apparence bien entendu, suffisamment immobile en tous les cas pour observer des mouvements dont on n’a pas conscience dans la vie quotidienne. Cela a toujours été souligné.
Normalement, pendant zazen, on devrait rester dans l’immobilité la plus totale : on ne se gratte pas, on ne tortille pas les fesses, on ne bouge pas les épaules. Souvent, on a posé la question : « Mais alors, vous nous dites tout le temps de corriger la posture, de rentrer le menton, de corriger la position des mains. Alors, si on ne bouge pas, comment fait-on pour se corriger ? »
On découvre qu’il y a plusieurs sortes de mouvements dans la posture de zazen. Il y a le mouvement réactif, c’est-à-dire que si votre épaule vous gêne, vous faites un micro-mouvement pour vous dégager. Et il y a le mouvement cosmique. Quand on est dans l’immobilité la plus totale, le corps suit le mouvement cosmique, c’est-à-dire que la Terre tourne, etc. Le système solaire, la galaxie, tout cela est un mouvement auquel nous participons, nous y sommes inscrits. La posture de zazen elle-même, de par sa morphologie, surtout la position des jambes en lotus, nous inscrit dans un mouvement inconscient de spirale. Quand on a la jambe gauche au-dessus en lotus, c’est une spirale qui tourne vers la gauche. Quand on a la jambe droite, c’est une spirale qui tourne vers la droite. C’est tout à fait spécifique au zazen.
Quand vous faites kinhin, il n’y a pas ce phénomène. Quand on fait le kinhin, la marche, c’est la jambe droite, puis la jambe gauche. Mais il n’y a pas de spirale. C’est pour cela qu’on appelle la posture du lotus du Bouddha la posture parfaite. Parce que le corps, comme tout le reste de l’univers, a des proportions parfaites. Toutes les proportions du corps humain correspondent au nombre d’or, et le nombre d’or est la spirale de Fibonacci. Si cela vous intéresse, vous pouvez chercher sur Internet. C’est la spirale des galaxies. C’est même les proportions des phalanges de nos doigts, toutes les proportions de notre corps.
Et donc, quand on s’assied en zazen, il y a un mouvement inconscient et naturel, qui n’est pas un mouvement de réaction à quelque chose. Notre corps s’inscrit dans une spirale de gauche à droite ou de droite à gauche, c’est-à-dire un point de vue qui change tout le temps, qui explore, qui découvre. On découvre son être dans la plus profonde intimité de tous les points de vue possibles. Je ne sais pas si je me fais comprendre, mais je me comprends.
Alors, dans cette même posture, on ressent même à l’intérieur de son corps des petites articulations, des petits muscles. Chaque millimètre de notre corps a une conscience. Des fois, on entend un petit craquement, un petit clic dans le bassin, dans nos épaules, dans notre colonne vertébrale. Et on découvre à quel point la nature est parfaite, au-delà de notre ego, bien sûr, elle est parfaite.
Alors, poussez la terre avec les genoux, poussez le ciel avec la tête, ne bougez pas. Ce sont les trois enseignements de Maître Deshimaru dans le dojo :
Pousser la terre avec les genoux, pousser le ciel avec la tête, ne pas bouger.
Ce fameux mouvement-là, dont je viens de vous parler, Maître Deshimaru l’appelait le mouvement homéostasique. Il enclenche une auto-guérison.
Pendant zazen, ne bougez pas, mais observez et inscrivez-vous dans un mouvement plus universel.
Je me pose une question. C’est important, les questions. Je me demande : quand on est mort, comment fait-on zazen ? Comment pratique-t-on zazen au-delà du corps, sans les contraintes qui existent dans notre monde, c’est-à-dire les contraintes gravitationnelles et physiques qui font le zazen ? Le zazen, c’est simplement un équilibre des contraintes. Quand il n’y a plus ces contraintes, comment fait-on ? Je n’en sais rien. Si mon maître était encore là, peut-être que je lui poserais la question. Enfin, nous pourrons peut-être la poser à notre cosmonaute qui est à 400 kilomètres de la Terre.