Published: 07/12/2019 | Updated: 08/06/2024
Non seulement le cerveau, mais aussi les organes pensent. Tous les mini-mouvements que nous faisons avec nos orteils, nos doigts ou nos mains – de nos jours, on analyse souvent le comportement des hommes politiques par leurs gestes, par leur gestuelle – tout cela fait partie de la pensée.
Quand on serre le poing, on dégage automatiquement de l’agressivité. Quand on joint les mains l’une contre l’autre pour saluer quelqu’un, c’est une pensée de paix. Je dis « pensée », mais on croit qu’un geste n’est pas une pensée. On croit que la pensée se limite aux mots, aux lettres et aux phrases.
Le néocortex
Ce qui différencie l’être humain des autres êtres vivants, c’est ce qu’on appelle le néocortex : le cerveau intellectuel, intelligent, capable d’évaluer, de calculer, de faire des stratégies, capable de beaucoup de choses. Nous n’en connaissons pas encore toutes les capacités.
Dans « néocortex », il y a le mot « néo », qui signifie « moderne ». C’est le cerveau moderne, et toutes les anciennes parties du cerveau, comme l’amygdale cérébrale, par exemple, qui ont des fonctions bien plus anciennes que le néocortex et qui nous ont sauvé la vie bien des fois, dans bien des vies, respectent le néocortex. Elles le considèrent comme le plus intelligent, le plus moderne.
Cela fait penser aux ordinateurs, aux tablettes et aux nouvelles technologies. Maintenant, il y a l’immersion en 3D, avec des casques 3D qui nous permettent de vivre une vie parallèle en trois dimensions, des jeux parallèles à la réalité. Tout cela, c’est nouveau, c’est néo, c’est magnifique. On dira que c’est génial, mais c’est incroyable tout ce qu’on peut faire, y compris avec les robots. Mais le problème, c’est que cette technologie nous dépasse rapidement. Même les enfants jouent trop longtemps avec les tablettes, par exemple.
Quelles conséquences cela peut-il avoir ? Cela peut engendrer des choses très dangereuses et même menacer notre existence. Eh bien, c’est un peu ce qui s’est passé avec notre néocortex. Vous ne verrez jamais un chien ou un chat compliqué ou dépressif parce qu’il s’est posé trop de questions. Mais bien sûr, il ne pourra pas faire une addition, une division ou une multiplication ni résoudre un problème complexe.
Tout cela pour dire que dans la posture de zazen, on n’utilise pas le néocortex, on le repose. D’habitude, on l’utilise constamment. Mais en zazen, on dit : « Non, on met le néocortex au repos ! » Et c’est bien, parce qu’il a peu d’occasions de se reposer, même souvent dans les rêves, il continue à fonctionner.
Zazen avant le Bouddha
J’ai noté un texte dans la Bhagavad Gita, qui est un des plus anciens textes indiens, où il est question de zazen. Ils pratiquaient déjà le zazen à l’époque, avant le Bouddha. Dans le verset six du chapitre sept de la Bhagavad-Gita, il est dit :
Celui qui a maîtrisé son cortex [qu’ils appellent le mental] et ainsi gagné la sérénité a déjà atteint l’âme suprême.
C’est justement cette pensée Hishiryo.
Quand on tait le cerveau frontal, une autre conscience s’éveille à nous : la joie ou la peine, le froid ou la chaleur, la gloire ou l’opprobre, ils les voient d’un même œil.
Il faut préciser, bien sûr, que la maîtrise du mental n’est pas définitivement acquise. Donc, il est bien de faire zazen régulièrement et de reformater son cerveau à chaque fois.
Il est également dit dans la Bhagavad-Gita :
Celui qui a maîtrisé son mental, qui sait maîtriser son mental, pour lui, le mental est le meilleur ami. Mais pour qui ne sait pas le maîtriser, il devient le pire ennemi.
C’est exactement pareil avec les nouvelles technologies : elles sont extraordinaires, elles représentent le futur, mais si on sait les maîtriser, elles seront nos meilleures amies. Sinon, elles deviennent extrêmement dangereuses.
Dans notre cerveau, c’est la même chose. On a écrit des livres récemment sur la similitude entre les intestins et le cerveau, disant qu’il y a plus de neurones dans les intestins que dans le cerveau. Mais ce n’est pas seulement les intestins ou le cerveau : c’est le corps entier, le sang, le système nerveux, les muscles, le squelette même, les veines et les artères qui pensent.
Zazen et science
Maître Deshimaru était ami avec le professeur Paul Chauchard, et ils ont écrit un livre ensemble qui s’appelle Zen et cerveau. Maître Deshimaru a expliqué la pensée zen Hishiryo par la science :
Le cortex frontal se repose et le rhinencéphale, l’écorce primitive, observe. Quant au thalamus, le cerveau moyen, il est en éveil. Il suffirait de positionner correctement sa tête pour avoir un contrôle sur sa conscience.
Quand le cerveau frontal se calme, se tait, il y a le silence. Et quand il y a le silence, une nouvelle forme de conscience et de pensée apparaît, comme si un brouillard avait été dissipé. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de pensées. Elles sont plus espacées, sereines. Nous ne les suivons pas, nous les laissons passer comme des nuages. Quant au cerveau moyen, il est stimulé. L’intuition se développe, la connexion avec le reste de l’univers apparaît, vient à la conscience.