Zazen ne sert à rien

Kusens de Maître Kosen
Kusens de Maître Kosen
Zazen ne sert à rien
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Published: 15/02/2014 | Updated: 18/11/2024

Je vais continuer à parler du Shin Jin Mei, le texte le plus ancien de la tradition zen chinoise. À la 32e phrase, il est écrit :

Les personnes ayant l’esprit étroit
Tomberont dans le doute.

Sensei expliquait souvent : “Le zazen n’est pas tellement utile au niveau de notre ego, ni pour répondre aux règles ou aux réalités sociales.” Beaucoup cherchent dans diverses pratiques, comme le zazen, le yoga, le tai-chi ou le chamanisme, quelque chose d’utile pour leur épanouissement personnel. Mais cet esprit errant et utilitariste conduit au doute, incapable de s’établir fermement.

La phrase suivante du Shinjinmei met en garde : “Si nous nous attachons à l’esprit mesquin, nous perdons toute mesure.” Dans notre société, cet esprit mesquin se manifeste par une obsession des opinions et des jugements extérieurs. Les gens cherchent des réponses toutes faites : “La réincarnation existe-t-elle ? Le satori a-t-il été atteint ?” Ils demandent au Bouddha ce qu’il faut penser, mais celui-ci répond selon leurs croyances : “À ceux qui pensent qu’après la mort il n’y a rien, j’enseigne que la réincarnation existe. À ceux qui croient qu’ils sont éternels, je leur dis que la réincarnation n’existe pas.” Cela signifie que chacun est libre de choisir sa propre vérité. C’est cette liberté qui permet de saisir l’essence du zazen.

Une phrase du Hokyo Zanmai m’a profondément marqué :

Absolu, sans aucun doute. Ainsi est le Dharma.

Pratiquer le zazen, c’est adopter une posture et une attitude sans aucun doute, en centrant son énergie sous le nombril. Cette respiration abdominale est fondamentale dans l’enseignement du zen. Elle permet de se connecter à l’énergie universelle, appelée Kikai, ou “océan de l’énergie”.

Dans le zen, l’énergie instinctive des animaux descend naturellement vers le bas, tandis que l’énergie spirituelle tend à monter. Pour trouver l’équilibre, il faut inverser ce processus. La respiration abdominale consiste à se concentrer sur le Kikai Tanden, une zone située entre 3 et 6 cm sous le nombril. Contrairement à la respiration ordinaire, où l’abdomen se gonfle à l’inspiration et rentre à l’expiration, ici, le mouvement s’inverse subtilement. Cela se fait naturellement, sans effort excessif, permettant de développer une énergie stable et profonde.

Revenir à cette concentration, même en dehors du zazen, c’est respecter l’enseignement de Maître Dôgen : “Ne pas quitter le dojo.” Il ne s’agit pas de rester physiquement dans un dojo, mais de conserver le dojo en soi, ancré sous le nombril. Quand on lâche cette concentration, l’énergie se disperse et peut devenir incontrôlable, entraînant colère, doute ou dépression.

En plaçant son attention sur le Kikai Tanden, on ressent une chaleur ou une densité qui se développe progressivement, comme une petite perle qui devient une bille, puis une boule d’énergie. Cette image du ventre rond, souvent associée à Bouddha, symbolise son ancrage dans l’océan de l’énergie. À partir de ce centre, tous les autres points d’énergie ou chakras peuvent s’harmoniser. Mais sans cette énergie fondamentale, ni centrage ni ouverture ne sont possibles.

Maître Deshimaru incarnait cet ancrage en permanence, pas seulement pendant le zazen, mais dans chaque moment de la vie. C’est là la véritable pratique : être centré, connecté à l’énergie universelle, et ancré dans l’ici et maintenant.