Published: 29/03/2015 | Updated: 07/11/2024
Le poème 41 du Shin Jin Mei : « Se servir de l’esprit avec l’esprit, est-ce la grande confusion ou bien est-ce l’harmonie ? ». La vérité, c’est que l’on ne sait pas vraiment ce qu’est l’esprit. Dans l’enseignement des patriarches, on ne donne pas de définition : l’esprit n’est pas considéré comme « quelque chose ».
Quand on arrive dans un dojo, on est souvent surpris d’entendre parler uniquement de postures, de corps, de colonne vertébrale. À propos de l’esprit, on nous dit seulement : « laissez passer ». Dans ce sens, se servir de l’esprit avec l’esprit peut sembler être la grande confusion.
Si on tentait de vous proposer des remèdes purement spirituels, ce serait aussi une grande confusion, car l’esprit en lui-même n’existe pas de façon autonome. Pourtant, rien n’existe en dehors de l’Esprit. J’ai déjà expliqué que la pratique de zazen implique de se rappeler les points essentiels de la posture, comme l’enseignait Maître Deshimaru. On s’assoit en zazen et on fait l’inventaire des aspects importants de la posture, non seulement pendant quinze jours ou un mois, mais toute une vie. Même après quarante ans de pratique, on revient à ces fondamentaux avec son esprit. Ainsi, on touche à l’esprit, on crée l’esprit. En réalité, tout est esprit dès que l’on perçoit la réalité de l’intérieur, où le sujet et l’objet deviennent un – c’est le zazen.
Maître Deshimaru dit que ce poème est un koan, une énigme très profonde du zen. Il invite à observer les kanji, les idéogrammes « Saku ». Le premier, « Saku », possède deux significations : « harmonie », « mélanger » et « devenir intime ». L’autre signification est « distinction », « confusion », « désordre », « perdre », « s’égarer ». On dit que Maître Kodo Sawaki portait le surnom de « Saku ». Dans le zen, « Saku » n’a pas de connotation négative. On parle de « se servir du Bouddha avec le Bouddha », « se servir d’une vache avec une vache ». Si nous ne sommes pas Bouddha, nous ne pouvons pas utiliser le Bouddha. Pour véritablement faire zazen, il faut devenir zazen. De même, on peut laver la boue avec de la boue, le sang avec du sang : nous lavons la saleté avec la saleté et la pureté avec la pureté.
On emploie l’expression « Dai-Saku », la grande rencontre, pour désigner ce processus important, incluant l’usage du Dharma, c’est-à-dire l’enseignement et la sagesse. Même après cinquante ans de pratique, il faut revenir avec délicatesse aux points essentiels de la posture : contact des pouces, contact des jambes croisées, contact de la vision et de l’objet, contact avec la respiration, et même avec la langue posée sur le palais. Chaque chakra est aussi un point de contact. Ce lien constant entre soi et soi-même, entre l’esprit et l’esprit, entre le corps et l’esprit, se manifeste dès que l’on fait zazen. La texture de tous ces contacts doit être harmonieuse, même lorsqu’on ressent de la douleur pour ceux qui en ont.