La respiration de la vache

2015 06 23 vache 1
Kusens de Maître Kosen
La respiration de la vache
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Lorsqu’on est intime avec la pratique de zazen, que ça fait longtemps qu’on pratique, on s’aperçoit que la conscience, notre conscience, ne se limite pas au cerveau, aux pensées. On s’aperçoit que toutes les cellules de notre corps sont conscientes et véritablement, dans le zazen, ça passe complètement par le corps.

On a vraiment des moments de décontraction de la cellule elle-même, on le sent très clairement. Maître Dôgen disait que le véritable zazen consistait à se dépouiller. C’est vraiment se dépouiller du corps et de l’esprit, du corps-esprit. On sent les cellules qui se lâchent, qui s’abandonnent, comme si la vieille peau tombait. Une métamorphose. Même dans le sommeil, on ne touche pas, on n’atteint pas ce degré d’abandon. L’abandon du zazen est conscient, puisqu’on est éveillé.

Pourtant c’est un abandon encore plus profond que le sommeil. On n’est pas en train de penser à quelque chose, de répéter un mantra ou de réfléchir. On arrête de capter les fréquences de la pensée personnelle pour avoir une pensée beaucoup plus biologique, pourrait-on dire. Le corps lui-même est une pensée. Le corps lui-même pense. On dit que le zazen est immobile.

Mais nous respirons, le cœur continue de battre, il y a une continuation d’un mouvement cosmique naturel. Étant donné qu’on change de jambe, une fois la droite, une fois la gauche, ça occasionne une torsion très lente et invisible. Il y a un autre mouvement sur un autre temps, sur une autre conscience, dans le corps pendant zazen, un mouvement qui le réajuste, pourrait-on dire, à la torsion naturelle galactique. Vous savez ce que c’est une galaxie, que ça suit un mouvement de spirale.

C’est important, quand on fait zazen, de prendre une belle posture qui va vous garder stable, de ne pas interférer dans ce mouvement naturel, avec des mouvements comme se gratter ou bouger les épaules ou la tête. De temps en temps, vous pouvez corriger si vous n’êtes pas bien. C’est ponctuel et après, on revient à tout lâcher. Également, il faut calmer la respiration.

On parle dans le zen de respiration abdominale. On n’en parle pas que dans le zen, parce que maintenant, c’est devenu une expression courante dans beaucoup de techniques de bien-être. Toutes nos émotions, pendant la vie quotidienne se manifestent au niveau de notre abdomen, depuis le cœur jusqu’aux intestins. Ça fait des milliers d’années que dans la médecine chinoise, on sait que chaque organe correspond à une émotion. On va recentrer pendant zazen toute cette énergie mélangée utilisée par nos peurs, notre avidité, notre impatience, nos inquiétudes.

zazen plein air

On s’est aperçu, à force de pratiquer, que la méthode la plus efficace pour recentrer son énergie, aussi bien physique qu’émotionnelle ou mentale, c’était de la regrouper sous le nombril. Tout ce qui se passe dans le plexus solaire est difficile à maîtriser et très émotionnel. Mais dès qu’on descend l’énergie du plexus solaire sous le nombril, les émotions se calment, on se sent bien, centré. Tout comme on vous l’a expliqué pour la marche, le kinhin, pendant le zazen, on se concentre sur une expiration douce, tranquille, presque imperceptible, longue et profonde en rassemblant cette énergie comme les vaches.

Quand on entend le bruit de la vache ou le rugissement du lion, on peut instinctivement le comprendre en nous. C’est comme les imitateurs : ils reprennent exactement la posture énergétique de la personne qu’ils imitent. Ils utilisent leur corps, leur attitude, pour parfaire leur imitation. S’ils imitent quelqu’un qui a une petite voix un peu coincée du nez, nasillarde, ils remontent l’énergie vers le plexus solaire. Les fameuses vaches sacrées indiennes emploient instinctivement la même respiration que le zazen. Il y a une expiration très lente, en lâchant.

C’est difficile à expliquer comment on fait pour rassembler l’énergie sous le nombril. Un peu comme lorsqu’on va aux toilettes, il y a une similitude. Vous expirez doucement, sans forcer. À la fin de l’expiration, vous lâchez tout, vous ouvrez les poumons, le plexus, vous laissez l’air vous remplir naturellement. Une fois que vous avez centré votre énergie sous le nombril, vous n’avez plus besoin de vous occuper de rien. Ça revient à la racine. Vous avez pris racine. C’est très important pour faire un zazen profond, de pouvoir expérimenter cela.