Published: 12/12/2022 | Updated: 07/06/2024
Cette posture de zazen, cette posture du Bouddha on l’appelle également la Grande assise. Pour que ce soit une grande assise, la première condition, c’est de bien basculer le bassin vers l’avant, de manière à ce qu’il y ait une cambrure marquée au niveau de la cinquième vertèbre lombaire.
Initiation zen au dojo de Montpellier
La cinquième vertèbre lombaire, c’est la première vertèbre mobile au-dessus du sacrum. Les vertèbres du sacrum ne sont pas mobiles, elles sont soudées. Au-dessus du sacrum, là où vous pouvez justement trouver un mouvement, c’est la cinquième vertèbre lombaire. Elle est très importante. À ce niveau-là, il faut basculer vers l’avant, ce qui va libérer le ventre, le plexus solaire et ce qui va donner une posture noble et forte.
Deuxième point très important pour avoir une grande assise, ce sont les fémurs. Les fémurs ont deux os qui sont saillants, qui sont ronds. On les appelle les trochanters. Ce sont des excroissances du fémur qui s’intègrent dans l’iliaque. Ces deux boules d’os qu’on sollicite quand on s’assoit en zazen, on doit bien les positionner avant de commencer le zazen, comme si on voulait les écarter le plus possible pour avoir un aplomb plus fort. Une fois que vous avez trouvé cette grande assise, bascule du bassin et les ailes des trochanters ouvertes, il ne vous reste plus qu’à étendre, étirer la colonne vers le haut et à pousser le ciel avec la tête.
Pousser le ciel avec la tête
Pour faciliter cela, il faut rentrer le menton. Le menton ne doit pas partir en avant, mais il doit être rentré. Il faut étendre, étirer la nuque. Cela va avec le fait de rentrer le menton, rentrer le menton et étirer la nuque. Cela place tout le cerveau d’une certaine manière, qui est elle-même fondamentale pour la méditation.
Quand j’ai voulu apprendre la méditation pour la première fois, quand je suis rentré dans un dojo pour la première fois, je pensais qu’on allait méditer, fermer les yeux et voir de belles montagnes, ressentir l’amour, etc. On m’a dit : dans le zazen, ce qui est important c’est la posture. Je ne voyais pas vraiment le rapport entre la posture et la méditation. Maintenant, j’ai compris que le plus important c’est la posture.
Quand vous avez bien positionné votre corps, vous pouvez lâcher les articulations. On ne peut pas tout faire en force. Au début, on le fait en force, peut-être aussi pour l’imprimer dans son esprit, dans sa mémoire profonde. Mais après, il faut le faire naturellement, inconsciemment, automatiquement.
Pousser la terre avec les genoux
Ensuite, pour avoir une belle posture, il faut pousser la terre avec les genoux. C’est très important et fondamental d’avoir les genoux plantés dans le sol. Ils sont plantés dans le sol grâce à l’utilisation d’un coussin rond qui s’appelle le zafu, coussin traditionnel zen depuis des millénaires. Chacun devrait avoir son zafu et le régler à sa taille, selon la mobilité du bassin, selon la taille de la personne. En général, les très grandes personnes ont besoin d’un zafu plus haut, plus épais. Les plus petites personnes ont besoin d’en avoir un plus petit.
Là, vous êtes bien assis. La tête est positionnée, menton rentré, nuque étirée, dos droit, bassin basculé, les genoux qui poussent la terre, la tête qui pousse le ciel. Et vous positionnez les mains. On ne fait rien avec les mains, elles sont juste positionnées sous le nombril et contre l’abdomen. La main gauche dans la main droite, posée sur la main droite, les épaules relâchées vers le bas.
Posture des mains
Je disais que la main gauche repose dans la main droite et les pouces se joignent, sont en contact l’un avec l’autre. En contact, ça veut dire qu’ils ne sont pas écrasés l’un sur l’autre, mais juste en contact. Par ce contact, par la force de ce contact entre les deux pouces, on peut régler la tension du corps. Si vous êtes trop tendu, vous diminuez le contact, la force du contact. Si vous dormez trop, les pouces tombent vers le bas et ce n’est pas bien. Il faut les redresser. La forme des mains ensemble, l’une dans l’autre, avec les pouces qui se joignent, forme un ovale. Les pouces se joignent à l’horizontale.
Posture des yeux
Pour finir, j’ai parlé de fermer les yeux tout à l’heure, d’imaginer des paysages merveilleux, de ressentir des choses merveilleuses. Les yeux. Nous, on parle de posture. La posture des yeux. On place son regard à un mètre devant soi, à 45 degrés environ vers le sol. On garde les yeux ouverts dans cette position. Ils sont mi-clos, moitié ouverts, moitié fermés. On ne fixe pas forcément un point sur le mur ou sur le vêtement de la personne qui est devant nous.
Les yeux restent ouverts naturellement, vous les laissez focaliser comme ils veulent. Parfois, vous pouvez voir trouble, parfois la vision est plus nette. En principe, il ne faut pas fermer les yeux parce que dans un dojo, si tout le monde ferme les yeux, on finit par s’endormir.
Marche méditative
Vous enserrez les pouces dans les mains, vous les posez sur les genoux et vous vous balancez six ou sept fois avec une amplitude de plus en plus grande. Tournez bien la tête à droite et à gauche. Vous allez doucement vous lever, décroiser les jambes, laisser le temps au sang de revenir dans les jambes. Pour l’instant, vos postures sont très bonnes. Vous vous levez doucement et vous remettez bien en forme votre zafu, le remettez bien rond. Tendez bien vos jambes en vous appuyant sur le zafu.
Faites un cercle qui va dans le sens des aiguilles d’une montre. Vous suivez la personne qui vous précède, vous laissez une certaine distance, comme en voiture, espace de sécurité.
Vous enserrez la dernière phalange du pouce dans le poing gauche. Vous placez la partie saillante du pouce, la racine du pouce, sous le sternum. Les avant-bras sont horizontaux. Vous allez avancer par demi-pas, d’un demi-pied. On ne fait pas de grandes enjambées, ça ne dépasse pas un demi-pied. Vous allez rythmer cette marche avec la respiration.
À chaque pas, vous allez expirer longuement en concentrant le poids du corps sur la jambe avant, tendez le genou de la jambe avant. Pressez le sol avec la plante du pied, avec la racine du gros orteil. Vous expirez, vous expirez. À la fin de l’expiration, vous laissez l’air vous remplir. Vous laissez les poumons s’emplir en même temps que vous faites un nouveau pas et vous recommencez. Expiration. On porte le poids du corps sur la jambe avant. On tend le genou. On contracte un peu la fesse correspondante. On expire, on expire. À la fin de l’expiration, on laisse l’air nous remplir et la jambe arrière passe en avant.
C’est une suite d’expirations et d’inspirations, de tension pendant l’expiration, de détente pendant l’inspiration, d’ouverture pendant l’inspiration, d’ancrage pendant l’expiration.
L’expiration est plus longue que l’inspiration. Il faut que vous retrouviez la même concentration et la même sensation que pendant zazen, quand vous êtes assis sur le coussin.
Quand vous arrivez à l’angle du dojo, vous tournez à angle droit.
Là où on pratique, ça s’appelle un dojo : DO, c’est la Voie, JO, c’est la pièce. Le dojo, c’est la pièce où l’on pratique la Voie.
Redressez la tête. Avec la posture, on a beaucoup à faire.
Pour marcher, vous déroulez les pieds du talon jusqu’aux orteils. Ensuite, vous pressez le sol, spécialement avec la racine du gros orteil.
Tous ces petits détails doivent être répétés. Il faut se les approprier, se les réapproprier, les approfondir.
Deuxième zazen
Tout de suite, les points importants : bascule du bassin vers l’avant, cambrure au niveau de la cinquième vertèbre lombaire. Tendez la nuque, rentrez le menton.
Il y a toujours un des deux côtés qui est plus facile que l’autre. C’est bien de changer de jambe pour assouplir les deux côtés.
Je ne vous ai pas donné tous les détails de la posture parce que moi je les oublie aussi. Un détail important, c’est que vous avez la bouche fermée, sauf moi. La langue contre le palais, derrière les dents, la pointe de la langue derrière les dents.
On respire par le nez. Et dans le zen, contrairement au commun des mortels, on place d’abord l’attention sur l’expiration. En général, quand on vous dit : « Respirez ! », vous pensez à inhaler une grande bouffée d’air, gonfler ses poumons. Mais dans le zen, dans le dojo et même dans l’esprit du zen, on commence toujours par l’expiration. On se vide. Quand on a fait le vide dans ses poumons et dans son esprit, on laisse l’air nous remplir, on laisse l’inspiration se faire.
Par la suite, vous aurez beaucoup plus d’aisance avec la respiration, vous découvrirez tout un monde. Mais au début, on se contente de respirer naturellement, sans forcer. On suit sa respiration. C’est très important parce que quand vous respirez naturellement, mais en portant votre attention sur la respiration, le fait de porter son attention change tout, cela a été même prouvé.
Les maîtres de médecine chinoise l’expliquent : simplement en mettant son attention à un point quelconque du corps, il va se dégager une chaleur à cet endroit au bout d’un certain temps. Porter son attention sur, c’est très important. La respiration c’est : je porte mon attention sur l’expiration. Après, vous inspirez.
Quand on porte son attention sur la respiration, on ne suit plus ses pensées. Souvent, on est assis comme ça en zazen, puis on pense : tiens, « Qu’est-ce que je vais faire à manger à midi ? » « Il faut que je finisse tel travail… » Ou alors on pense au zen, ce qui est encore pire. « Est-ce que j’ai l’esprit pur ? » « Est-ce que je suis un Bouddha ? » Non ! Dès lors qu’on pose son attention sur la respiration, les coagulations se libèrent.
Zazen est-il spirituel ?
Est-ce qu’il y a une concentration sur l’état d’esprit, sur l’esprit spirituel, ou est-ce que le zazen est spirituel ? La conscience, la pensée, la réalisation avec le corps ?
Le seul enseignement qu’on donne dans le zen, qui est très simple, c’est : « Laissez passer les pensées, laissez passer ».
J’avais un groupe de rock quand j’étais jeune, qui s’appelait Laisser passer. Quand on laisse passer les pensées, on découvre avec l’expérience la pensée Hishiryo. En japonais, Hi, c’est absolu, Shiryô, c’est la pensée. Pensée absolue. Pensée du tréfonds de la non-pensée.
Shakyamuni Bouddha a enseigné à ses disciples en Inde un zen très simple. Les soutras n’existaient pas à cette époque-là. Les soutras ont été écrits après la mort du Bouddha ou c’est la transcription de l’enseignement du Bouddha pendant qu’il était vivant.
Cérémonie zen
Les cérémonies, c’est très simple aussi. Et le soutra fondamental de tout le bouddhisme, que ce soit tibétain, Mahayana, Hinayana, Theravada, toutes les lignées bouddhistes avec une filiation jusqu’au Bouddha : ils chantent tous le même soutra qui s’appelle l’Hannya Shingyo, le Soutra de la grande Sagesse.
Mon maître disait que ce n’est ni du tibétain, ni du chinois, ni du japonais. En gros, ce soutra raconte que les phénomènes sont vides et que du vide jaillissent les phénomènes. Shiki so ku ze ku, ku so ku ze shiki. Avec cette phrase-là, vous avez tout compris.
Nous, après les deux zazens, normalement on fait toute une cérémonie où on chante l’Hannya Shingyo. Ça peut être chanté une fois, ça peut être chanté trois fois. Si vous continuez zazen dans ce dojo, vous expérimenterez la cérémonie. On la fait le samedi matin, en général, mais je vous en fais grâce. On va simplement chanter l’Hannya shingyo en zazen. Alors, vous écoutez. Les personnes débutantes qui sont venues à l’initiation, contentez-vous de suivre.