Published: 23/06/2015 | Updated: 07/11/2024
Lorsqu’on devient intime avec la pratique du zazen, on réalise que la conscience, notre conscience, ne se limite pas au cerveau, aux pensées. On découvre que toutes les cellules de notre corps sont conscientes et que le zazen passe entièrement par le corps. On ressent des moments de relâchement jusqu’à la cellule elle-même. On le perçoit très clairement.
Maître Dôgen dit que le véritable zazen consiste à se dépouiller, à se libérer du corps-esprit. Cela signifie ressentir les cellules qui se lâchent, qui s’abandonnent, comme si une vieille peau tombait – une métamorphose. Même dans le sommeil, on n’atteint pas ce degré d’abandon. L’abandon en zazen est conscient, car on est éveillé, et pourtant c’est un abandon encore plus profond.
Dans cet état, on ne pense pas à quelque chose, on ne répète pas de mantra, on ne réfléchit pas. On cesse de capter les fréquences de la pensée personnelle pour atteindre une pensée plus biologique. Car le corps lui-même pense.
On dit que le zazen est immobile, mais nous respirons, notre cœur bat. Ce sont des mouvements naturels et cosmiques. De plus, en changeant de jambe — une fois à droite, une fois à gauche — une très lente torsion invisible s’opère. Il y a donc un autre mouvement, sur un autre temps, sur une autre conscience dans le corps pendant le zazen, un mouvement qui réajuste le corps, comme une spirale galactique.
Ainsi, quand on fait zazen, il est important de prendre une posture stable pour ne pas interférer avec ce mouvement naturel. Évitez les gestes comme se gratter, bouger les épaules ou la tête, autant que possible. Corrigez ponctuellement votre posture si besoin, puis relâchez-vous totalement. Il est aussi essentiel de calmer la respiration, en pratiquant ce qu’on appelle la respiration abdominale. Celle-ci n’est pas propre au zen, car elle est aujourd’hui bien connue. Les émotions de notre vie quotidienne se manifestent dans notre abdomen, depuis le cœur jusqu’aux intestins. Depuis des millénaires, la médecine chinoise associe chaque organe à une émotion.
Avec la pratique, on découvre que la meilleure façon de recentrer son énergie — physique, émotionnelle et mentale — est de la rassembler sous le nombril. Tout ce qui se passe dans le plexus solaire est difficile à maîtriser et très émotionnel. Mais dès que l’énergie descend sous le nombril, les émotions se calment, on se sent centré et calme.
Tout comme pour la marche de kin hin, en zazen, on se concentre sur une expiration calme, presque imperceptible, longue et profonde, en rassemblant cette énergie sous le nombril. Instinctivement, comme le mugissement d’une vache ou le rugissement d’un lion, on comprend cette respiration. À l’image des imitateurs qui captent la posture énergétique de ceux qu’ils imitent, on utilise notre corps pour trouver l’attitude juste. Si l’on veut imiter quelqu’un avec une voix nasillarde, on va instinctivement remonter l’énergie au niveau du plexus solaire.
Les vaches sacrées en Inde utilisent la même respiration que celle du zazen. Leur expiration lente accompagne un véritable lâcher-prise. Il est difficile de décrire comment on rassemble cette énergie, c’est un peu comme quand on va aux toilettes : on expire doucement, sans forcer. À la fin de l’expiration, on relâche tout, on ouvre les poumons, le plexus, et on laisse l’air vous remplir naturellement.
Une fois que vous avez centré votre énergie sous le nombril, il n’y a plus besoin de contrôler quoi que ce soit. L’énergie revient à sa racine. Vous avez pris racine, et c’est ainsi que vous pouvez faire l’expérience d’un zazen profond.