À quoi correspond la dévotion dans le zen ?

a quoi correspond la devotion dans le zen
Mondo - questions à un maître zen
À quoi correspond la dévotion dans le zen ?
Loading
/

– Peux-tu nous parler de ta dévotion dans le zen Soto ?

– Les maîtres comme Maître Dogen disaient que le véritable zen transmis, c’est la dévotion au zazen. Le centre, le moteur de tout, c’est la pratique du zazen.

C’est ce que j’ai entendu dire des maîtres : c’est la dévotion totale au zazen. À partir du zazen, tout doit se mettre en place.

Après, chacun va se dévouer un peu différemment. Il y en a un qui va écrire des poèmes, un autre qui va devenir un grand calligraphe, un philosophe, ou encore un autre qui va beaucoup faire de samu et peut-être se dédier à sa spécialité. Mais en fait, dans la pratique authentique, c’est vraiment la dévotion au zazen. Le zazen est considéré comme le centre absolu de toute expérience et de la voie du milieu, car finalement, le moteur de la philosophie du bouddhisme, c’est la voie du milieu.

Qu’est-ce que c’est, la voie du milieu ? Un maître répondait que la voie du milieu, ce sont les extrêmes. Si vous avez de l’eau trop chaude, pour rééquilibrer la chaleur excessive, vous allez devoir mettre de l’eau glacée. Plus l’eau sera glacée, plus vous arriverez à un compromis pour avoir de l’eau agréable. Dans ce sens, on doit pratiquer par rapport à tous les facteurs qui nous entourent dans la vie, en prenant une position de rééquilibrage des choses. Quand c’est extrêmement chaud, vous prenez l’extrêmement froid et vous arrivez à une chaleur correcte. Si on essaie de faire ça intellectuellement, la voie du milieu reste très approximative. Cela ne veut pas dire être tiède systématiquement.

Dans le zazen, nous vivons véritablement nos cellules, nos atomes, notre corps et notre esprit, et nous vivons cet équilibrage en prenant en compte toutes les forces antagonistes qu’il y a dans notre propre corps. En s’asseyant en zazen, on va automatiquement rééquilibrer les choses et retrouver la voie du milieu. Le plus important pour nous, c’est de pratiquer le zazen. On dit qu’il n’y a pas besoin d’être spécialement intelligent.

Il y a la compassion, la dévotion, les bons sentiments, tout ça, mais en général, c’est facile à dire. Si vous avez bien dormi, vous avez plutôt envie d’être gentil et de rendre service. Si vous allez vraiment mal, vous vous repliez sur vous-même et vous n’êtes pas compatissant. Tout cela, c’est une question d’équilibre. Quand on est en équilibre, on est compatissant, on a de la dévotion pour tout l’univers, pour la nature, etc. Comme dirait mon maître, on est dans les conditions normales. En fait, on cherche les conditions normales.

Je me souviens quand Sensei nous disait ça : quand on était jeunes, on aimait bien boire, fumer des joints, etc. Les jeunes, ça ne les intéresse pas, les conditions normales. Ils veulent aller dans les extrêmes, expérimenter, etc. Cela va avec leur force de croissance, ils ont besoin de l’utiliser. Comme les enfants, ils doivent apprendre quand ils sont petits, car ils ont une potentialité du cerveau qu’il faut utiliser.

À quoi peut-on se dévouer, s’émouvoir, sinon à la méthode pour retrouver l’équilibre et à partir de cet équilibre, être plus juste. Nous sommes tous imparfaits. Il n’y a pas une personne dans ce dojo qui a un corps parfait ou une musculature parfaite, où chaque muscle est équilibré à droite et à gauche. Nous avons tous des déséquilibres, mais le zazen nous ramène vers les conditions normales. Les conditions normales, c’est le bonheur.

Par exemple, si vous êtes avec une femme que vous aimez depuis dix ans, vous trouvez cela normal, mais vous ne vous rendez pas compte que vous êtes heureux. C’est juste normal. Tout d’un coup, la femme s’en va et vous laisse seul, et là, vous réalisez : « Ah, qu’est-ce que j’étais heureux avec elle, on était bien ! »

En fait, les conditions normales, c’est le vrai bonheur. Être trop heureux, ce n’est pas bon, cela mène au déséquilibre, être trop malheureux aussi. Il faut donc revenir tout le temps à la voie du milieu, qui n’est pas nulle. La voie du milieu, ce n’est pas nul, ce n’est pas tiède.