– Le kikaï-tanden (hara) est-il une zone ou un point bien précis ?
– C’est une zone et un point. C’est pareil pour la voie du milieu : on imagine toujours une ligne avec un point au milieu, mais ça, c’est en deux dimensions. La voie du milieu peut aussi se situer à l’intérieur d’un volume en trois dimensions.
Le kikaï tanden est effectivement un point qui se situe à un peu plus de trois doigts sous le nombril. On prend trois doigts comme repère et on atteint ce point. Il y a plusieurs points très importants, énergétiquement. Pendant l’expiration, on doit rentrer l’abdomen mais centrer l’énergie autour du kikaï tanden. Donc, en même temps, on rentre le ventre mais il y a une légère expansion sous le nombril, cela donne un son comme « Shhhhhhhhhhhhh ». Et à l’inspiration, on relâche le ventre.
Le kikaï tanden est appelé l’océan de l’énergie parce que, une fois qu’on a transformé toute l’énergie nécessaire au fonctionnement de notre être (provenant de la nourriture, de l’air que l’on respire, de l’oxygène en particulier, et de l’énergie ancestrale), toutes ces énergies se mélangent, descendent vers les reins, sont rassemblées dans le kikaï tanden, puis redistribuées à tout le corps par les reins. C’est donc un point très important.
Maître Deshimaru insistait beaucoup sur ce kikaï tanden parce qu’il avait beaucoup pratiqué les arts martiaux. Dans les arts martiaux japonais, ce point est toujours très important, en particulier dans les combats de sabre. Les samouraïs se concentrait sur le kikaï tanden et attendait sans bouger, presque comme en zazen.
Ils se concentraient sur l’expiration, qui doit être très longue, car lorsqu’on inspire, on perd de la force, et c’est à ce moment-là que l’ennemi attaquait. Ils observaient leur respiration, et il arrivait fréquemment que deux maîtres se retrouvent face à face à s’observer pendant plus de cinq minutes, puis l’un disait « Ok, j’ai perdu ». Parfois, ils ne combattaient même pas, mais attendaient que l’autre finisse son expiration.
Depuis toujours, il y a eu une forte corrélation entre le zen et les arts martiaux au Japon. Beaucoup de maîtres zen enseignaient la posture de zazen aux samouraïs, et de nombreux samouraïs célèbres pratiquaient le zazen.