Toucher le cosmos entier en zazen

toucher le cosmos entier en zazen
Kusens de Maître Kosen
Toucher le cosmos entier en zazen
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Le poème 64 du Shinjinmei est le premier poème zen chinois. Après Bodhidharma, il y a eu Eka, puis Sosan.

Pour reprendre l’explication sur les yeux en zazen :

Partout devant nos yeux, il n’y a ni existence ni non-existence.

On perçoit les choses dans leur état où il ya toutes les potentialités d’être. On les perçoit, mais on ne les regarde pas. « Sans toucher l’objet », comme on le dit dans le Zazenshin.

Le poème précédent parlait de la relation avec le temps. Cette phrase-ci parle de notre relation avec l’espace, de la perception des choses. L’espace sous-entend l’objet, de même que l’objet sous-entend l’espace. En fait, ils se révèlent l’un l’autre et se définissent l’un par l’autre. Le poème précédent parlait du maintenant. Ce poème-ci parle de l’ici.

Maître Deshimaru dit dans ses commentaires :

On ne peut pas considérer la religion comme étant seulement le fruit de la difficulté.

Pas besoin d’être un martyr pour pratiquer la religion. Pas besoin de se priver, d’austérité, de repentir ou de culpabilité. Pas besoin de souffrance pour réaliser l’éveil. Que sont les difficultés, la souffrance ou la joie ?

Le prix Nobel de physiologie ou médecine, Konrad Lorenz, avait écrit que la joie pure naissait de la difficulté. Mais dans le zen, la joie est différente. Elle ne naît pas d’un phénomène contraire, comme dans cette blague où un type se donne des coups de marteau sur la tête et dit :

– Qu’est-ce que tu fais ?

– Ah, c’est bon quand ça s’arrête !

Ou alors, celui qui est étendu avec un couteau dans le ventre, et quelqu’un lui demande si ça fait mal. Il répond :

– Oui, quand je ris !

Mais la joie zen est beaucoup plus vaste et globale. Elle est confondue avec le cosmos.

Dans le zen, on dit que le Bouddha est semblable à un morceau de glace dans les flammes. Très vite, il disparaît, se confond avec les flammes. Cette réponse semble être une contradiction. Dans le zen, lorsqu’on coupe nos pensées quotidiennes, notre mental, la compréhension ou le ressenti zen apparaissent.

toucher le cosmos entier en zazen

Pendant zazen, on n’essaie pas de développer un état de bonheur spécial, mais par la posture et la respiration, on dépasse naturellement les limites de la pensée quotidienne où un phénomène engendre un autre phénomène, comme la douleur et le bonheur. Il ne faut pas attendre que la douleur s’arrête pour être heureux. Quand la pensée quotidienne disparaît, on peut sentir que la nature du cosmos, la nature de toute chose, est bonheur tranquille, harmonie, complémentarité, conditions normales, disait Sensei, conditions normales de bonheur.

Avec la crise actuelle, les gens disent qu’ils veulent revenir comme avant. Et qu’est-ce qu’il y avait avant ? Il y avait les conditions normales. Normal, on veut être normaux, on est des gens normaux.

Quand j’étais jeune, j’étais déçu par le fait que Sensei parle de conditions normales. Je n’avais pas envie de conditions normales. Je voulais une condition spéciale, une condition zen.

Quand les pensées du mental quotidiennes, ordinaires , cessent, alors la compréhension zen apparaît. Tout naturellement, tout ce qu’il y a de plus beau et de plus normal. Ni existence ni non-existence. Et c’est ce que nous devons voir les yeux ouverts en zazen, sans regarder. On perçoit les choses dans leur vide, dans leur vacuité. Ni existence ni non-existence. La glace dans la flamme signifie cela. Il n’y a ni existence, ni non-existence, ni monde visible, ni monde invisible.

Dans la conscience originelle, il n’y a rien qui puisse être enseigné. Comment perçoit-on l’enseignement du zen ? Comme une musique, éventuellement. Mais rien n’est enseigné parce que ce que nous voulons, c’est le monde d’avant, le monde où nous étions normaux. Les conditions normales, paisibles. Qui est le plus heureux ? Le riche, le pauvre, le bourgeois, l’ouvrier, celui dont la vie est longue, celui dont la vie est courte ? Dans le monde du zen, on ne peut pas mesurer cela. Dans l’histoire du zen, la plupart des maîtres étaient des hommes incorrigibles, impossibles, absurdes. En apparence, bien sûr.

Sensei dit que nous devons voir le cosmos dans sa totalité, dans son entièreté, et c’est parce que nous le pratiquons avec tout notre corps que nous pouvons le pratiquer avec l’Esprit. Parce que l’esprit, c’est normal. C’est comme avant, le temps où nous avions un corps normal. Si nous pouvons le pratiquer avec le corps, alors nous pouvons le pratiquer avec l’esprit en entier.

Nous pouvons contempler le jardin du cosmos d’un seul coup d’œil, même si nos yeux ne peuvent en voir qu’une partie. Voilà pourquoi nous contemplons le jardin du cosmos avec la vue de notre esprit. Nous pouvons penser le cosmos tout entier. Nous pouvons respirer le cosmos tout entier en un seul souffle. En un seul son, nous pouvons entendre le cosmos tout entier. Souvent, pendant l’Hannya Shingyo, il faut s’harmoniser, harmoniser les voix les unes avec les autres, dans la même tonalité. Pour cela, il faut entendre le cosmos tout entier. D’un seul esprit. On peut goûter le cosmos tout entier d’un seul goût. On peut sentir le cosmos tout entier, d’un seul corps, le toucher dans sa totalité.