Pourquoi zazen ?

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Kusens de Maître Kosen
Pourquoi zazen ?
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Published: 08/02/2020 | Updated: 19/05/2024

Il est dit que même si une seule personne pratique le zazen, toutes les existences de l’univers en reçoivent les bienfaits. Au moment même où nous mettons en pratique le zazen, la terre, les arbres, les monuments, les murs, tout devient zazen et tout en reçoit l’influence. Pendant zazen, il faut couper la racine de nos pensées et de nos connaissances, de notre dogmatisme.

Sensei dit :

« Le cerveau frontal se relâche, se détend, arrête de penser. Le cerveau moyen se met en activité. Le rhinencéphale, le cerveau primitif placé derrière la nuque, observe ».

Quoi qu’il en soit, il faut faire zazen sans but, sans conscience personnelle, tranquillement. Pas la peine de distinguer l’éveil de la pratique, car dès le moment où vous vous mettez en posture, vous faites zazen tout aussi bien qu’un bouddha. Il est à noter que l’éveil du zazen n’est pas un phénomène psychologique spécial et momentané, mais qu’il continue sans cesse. Il influence l’éternité. Il peut changer le passé, le présent, le futur dans tous les univers.

Si une seule personne qui réalise zazen a une influence sur toute chose, un grand nombre de personnes qui pratiquent ensemble a une influence encore plus immense et merveilleuse, au-delà de toute imagination. Les bienfaits du zazen sont illimités.

kyosaku zen

Pour ceux qui sont arrivés seulement à 11 h, je lis les premiers enseignements donnés par Maître Dogen à des laïcs japonais qui ne connaissaient pas du tout le zazen. Quelqu’un pose une question à maître Dôgen :

« Maître, il y a beaucoup de postures dans la pratique du Bouddha, comme par exemple marcher en kinhin ou se tenir debout en gasshô en joignant les mains, s’asseoir en zazen bien sûr, et même la posture du Bouddha allongé est mentionnée. Et puis de nombreuses postures qu’il fait avec ses mains, des mudras. Quand on explique aux débutants la voie du zen, on leur recommande de pratiquer la posture assise. Mais ce n’est qu’une des nombreuses postures préconisées par le Bouddha. Pourquoi donner la préférence à la posture assise en disant que c’est la porte principale de l’enseignement ? »

Maître Dôgen répond :

« En effet, il serait difficile de calculer toutes les attitudes et toutes les postures que tous les Bouddhas ont successivement adoptées depuis les temps anciens. Chaque geste, chaque attitude peut nous faire rentrer dans l’expérience réelle de se connecter avec ce qui est. Il n’y a pas que le zazen, et si l’on veut trouver une raison, il nous faut comprendre que ce que les disciples du Bouddha pratiquent est la raison elle-même. Cela s’appelle « pratiquer l’éveil dans la vie quotidienne ».

On ne devrait pas chercher de raison en dehors de cela. » Je vois souvent dans ce dojo que les débutants qui viennent pratiquer pour la première fois sont interloqués par le fait qu’il y ait des cérémonies, un cérémonial, des chants, des sutras, des prosternations. « Devant qui se prosterne-t-on ? Devant quoi ? Pourquoi est-ce qu’on se prosterne ? Est-ce que ce cérémonial ne serait pas un peu folklorique ? »

Il est difficile de comprendre, pour un débutant, que rien n’est agi, dans le zen, pour autre chose que pour la mise en pratique elle-même. Il n’y a pas d’idée cachée, il n’y a pas de but. Par exemple, on pratique la prosternation pour pratiquer cette posture. Pas besoin de penser, on le pratique simplement avec tout le corps et le mieux possible.

On dit souvent que la société moderne est hors-sol, mais quand on touche la terre avec son front, c’est inhabituel. C’est peu de chose, mais cela guérit et corrige radicalement du hors-sol dont les hommes modernes sont atteints. La prosternation n’est pas faite pour adorer quiconque ou pour vouer un culte à une déesse, à une divinité, mais simplement pour se réajuster par rapport à ce qui nous entoure, et en particulier par rapport à notre vieille planète.

Si on comprend zazen à travers son corps, bien sûr, on peut comprendre toutes les autres postures du Bouddha, chaque posture de la vie quotidienne. Sensei disait que la prosternation, les trois prosternations qu’on fait, le sanpaï, où on touche le front avec le sol, est extrêmement efficace pour se reconnecter à la terre. Il disait que si les chefs d’État pratiquaient sanpaï, ils pourraient éviter les guerres et changer beaucoup de choses.

Il y a une expression très importante dans le zen : « Shinjin datsuraku ». Shinjin, c’est le corps-esprit. Datsuraku, ça veut dire « se dépouiller ». Dans chacune des postures et des pratiques du Bouddha, il y a un moment pour le dépouillement. Un moment où on lâche le corps et l’esprit. C’est là que commence la pratique du zen. On trouve ça dans toute la vie, notamment dans le sport.

Souvent, les grands champions se dépouillent du corps et de l’esprit et arrivent à faire quelque chose de presque divin. Une manière de contrôler le ballon. J’ai remarqué que dans le football, par exemple, il y avait toujours un petit cérémonial. Chaque joueur a un petit cérémonial avant de rentrer sur le terrain. Ils savent qu’un bon jeu de football est presque surnaturel. C’est ça que les supporters attendent.

Le zen, c’est pareil. Dans le zazen, il doit y avoir un dépouillement du corps et de l’esprit. Dans la prosternation aussi : au moment où on touche le front avec le sol et où on lève les mains sur les côtés du crâne, il y a Shinjin datsuraku. Dépouillement du corps et de l’esprit.