Pourquoi faut-il entrer dans le dojo du pied gauche ?

pourquoi faut il entrer dans le dojo du pied gauche
Mondo - questions à un maître zen
Pourquoi faut-il entrer dans le dojo du pied gauche ?
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Je ne sais pas s’il y a une signification spécifique. Le Maître doit entrer du pied droit et passer par la droite. Les disciples doivent entrer du pied gauche et passer par la gauche, et donc ils ne doivent pas couper la ligne entre la porte et l’autel. Par exemple, s’ils veulent aller voir le Maître, il faut qu’ils fassent tout le tour pour arriver là.

Je sais comment ça marche, mais je ne sais pas si ça a une signification spécifique. Je pense que c’est un choix. Et puis c’est bien de se concentrer quand on entre et quand on sort. Quand on sort, on sort du pied droit et le Maître doit sortir du pied gauche. Ce sont des rituels symboliques qui sont transmis. Dogen a expliqué tout ça. Enfin, les modes, les manières convenables. Comme on n’a que deux pieds, il faut bien en choisir un. Ainsi qu’un côté.

On apprend quelque chose en entrant dans le dojo, c’est d’ordre cérémoniel. Ça pourrait ressembler à de la maniaquerie en fait. Tout ce rituel, c’est maniaque, non ? Enjamber la poutre, entrer avec le pied gauche, ne pas laisser les bras ballants, faire le tour par là… Il y a tout un code précis de comportement qui est complètement intégré au bout de pas mal d’années. Et c’est vraiment spécifique au dojo.

Parce que, par exemple, moi, je fais zazen chez moi dans une pièce réservée à ça, mais ce n’est pas un dojo. J’ai d’autres règles, d’autres références. Mais le dojo, c’est vraiment spécifique et ça se pratique à plusieurs. C’est très puissant et je crois que ça laisse quelque chose dans la vie.

Peut-être qu’en vieillissant, je m’aperçois que j’aime bien dans le travail, dans la manière de faire les choses, dans la manière de cuisiner, quelque chose qui reste de ça. Essayer de faire une œuvre d’art qui a un commencement et une fin, une direction, un point final. C’est ça, un petit peu un art qu’on retrouve dans toute la vie en fait. On peut le retrouver dans toute la vie.

J’ai beaucoup appris au Japon et des Japonais, et de la vie quotidienne japonaise. Parce que si les Japonais ne sont pas du tout intéressés consciemment par le zen, ils savent ce que c’est. La civilisation et la manière de vivre, les petits détails de la vie des Japonais sont complètement imprégnés par ces manières du dojo, par le dojo et par le zen. C’est assez impressionnant.

Donc j’ai vu ça dans différents détails. Par exemple, dans les tissus, je parle à ma fille des tissus parce qu’elle travaille là-dedans maintenant, dans les tissus d’ameublement. Et on a été à une foire très importante des tissus. Et moi, il y a des tissus qui m’ont complètement fasciné, qui étaient comme le kesa et qui venaient d’Inde, etc.

Le kesa, on en parle, on parle des disciples du Bouddha qui cousaient leur kesa. C’est resté en Inde depuis 2500 ans et au Japon aussi. Les femmes prennent les vieux tissus complètement usés et les cousent en contrepoint, exactement comme le kesa.

Pour nous qui faisons du zen et qui sommes imprégnés de ça, on dirait : « Ah, que c’est beau ! » C’est une tradition qui s’est perpétuée dans les petits villages au Japon. Il y a des petits magasins de tissus, de kimonos et tout est cousu à la main.

J’écris actuellement un texte sur l’athéisme par rapport aux religions fanatiques qu’on voit. J’ai écrit que je suis athée : je ne crois pas en un Dieu qui soit quelqu’un et qui habite dans le ciel et qui favorise une partie de l’humanité au détriment d’une autre. Je ne crois pas en cette idée. J’estime que c’est une maladie mentale collective et ça ne m’intéresse pas. Et la science est suffisamment avancée pour savoir que c’est un délire.

Il n’y a pas quelqu’un dans le ciel. Dieu est partout, en toute chose, mais il n’y a pas une entité distincte. Et s’il y a une entité, cette entité, c’est toi, c’est moi. Tu vois, s’il y a quelqu’un à aimer, quelqu’un à rencontrer, c’est nous, c’est nous. Il y a une relation intéressante.

Alors ils parlent tous de la laïcité. Je dis que la laïcité, c’est un monde de gens blasés qui n’ont plus d’éthique. Ils ne savent plus qu’ils n’ont pas d’éthique fondamentale. Et en fait, ce qu’ils appellent, ce qui remplace l’éthique maintenant dans notre société, c’est le politiquement correct, c’est-à-dire que ce n’est pas une éthique, c’est la pensée collective du plus grand nombre. Mais de Gaulle disait que le plus grand nombre ce sont des cons !

Il faut retrouver des valeurs pour avoir une manière de fonctionner spirituelle dans notre société. Sans avoir ces religions culpabilisantes parce que nous, nous avons aussi souffert dans la religion chrétienne.

Et donc, ce comportement qu’on a en rentrant dans le dojo, ce comportement qu’on a en apprenant à coudre le kesa, en apprenant le zen, enfin en apprenant du zen. C’est comme le fil d’Ariane, dans la mythologie grecque où il elle va dans un labyrinthe et elle tient un fil, c’est la même chose. Et l’éthique, c’est ce fil, c’est retrouver ce fil, retrouver un sens parce que ça ne peut être qu’intuitif, on ne peut pas dire ça c’est beau, ça c’est mal, ça c’est bien, ça c’est mal. Mais on a besoin d’une éthique viscérale pour pouvoir vivre ensemble.

Le dojo, c’est ça, un apprentissage de cette éthique où on rentre du pied gauche, où on tourne par la gauche, où on fait face à son lieu de méditation, symbolisé par le coussin, où on salue son espace intime de méditation, où on se retourne. Je suis sûr que personne ne le fait d’ailleurs, où on se retourne, où on salue les autres, les autres pratiquants, où on s’assoit tout seul, mais on est déjà avec tous les autres.

Tout ça, c’est un fil d’Ariane qui mène à l’éthique fondamentale du zazen, qui est salvatrice pour son âme éternelle et où on retrouve au fond de ses viscères la vraie morale, la vraie éthique.

Et la vraie morale, et la vraie éthique ne peuvent pas être séparées de l’amour, c’est une relation d’amour. Avant de rentrer dans le dojo, il faut faire bien attention. On salue son coussin, on se retourne, on salue les autres, on se retourne, on fait le tour par la gauche de son coussin, on s’assoit bien, on se balance de droite à gauche. Et puis quand on est immobile, on salue et puis ça commence, on ne bouge plus. C’est tout un cérémonial extrêmement important que l’on comprend avec son corps.