Published: 26/04/2014 | Updated: 18/11/2024
Si nous l’exprimons librement, nous sommes naturels.
Dans notre corps, il n’y a aucun lieu où aller et demeurer.
Cette 34e phrase du Shin Jin Mei touche à l’essence de l’enseignement du zazen : s’ancrer dans le naturel de notre être, sans chercher ni s’attacher à un but particulier.
Le zazen s’adresse aux réflexes les plus profonds de notre nature, ce qui est déjà en nous. Il ne s’agit pas de rechercher quelque chose d’externe, mais de découvrir l’harmonie naturelle du corps et de l’esprit. Pourtant, le désir d’apprendre, appelé bodaishin, ou “l’esprit de la Voie”, est essentiel. C’est cette volonté qui nous pousse à recevoir le Dharma, à apprendre la posture et la respiration, et à s’ouvrir à la transformation.
Dans le zen, cette transmission est primordiale. Mon maître disait souvent : “Qui vous a enseigné ? Qui vous a donné l’ordination ? Quelle est l’origine de cet enseignement ?” Un enseignement sérieux repose sur une lignée traditionnelle, une continuité où chaque geste, chaque mot, porte l’expérience de générations passées.
Mais que signifie apprendre dans un cadre où “il n’y a rien à chercher” ? Apprendre, c’est découvrir ce que nous ne savions pas que nous ignorions. Par exemple, Maître Deshimaru nous a enseigné un jour la “respiration secrète du zen”. Il a déclaré : “Normalement, seuls les maîtres la connaissent, mais je vais vous l’enseigner, car il y a urgence.” Imaginez notre impression ! Nous découvrions quelque chose dont nous ignorions l’existence.
D’abord, on ne sait pas qu’on ne sait pas. Puis, on devient conscient de son ignorance. Ensuite, on acquiert une connaissance consciente par la pratique. Enfin, à force d’entraînement, cette connaissance devient viscérale, intégrée au corps, jusqu’à être maîtrisée inconsciemment. Mais même alors, on nous rappelle qu’il n’y a rien à chercher, qu’il n’y a rien.
C’est là le paradoxe du zazen. La fameuse “respiration secrète” n’était pas tant un mystère qu’un moyen de briser nos habitudes et de nous libérer de la peur du changement. Elle nous apprenait à accepter l’inconnu et à évoluer. L’apprentissage ne consiste pas seulement à acquérir des connaissances ; il ravive et transforme tout ce que nous sommes. Il ouvre l’esprit, stimule le corps, et réveille le désir d’aventure.
Arrêter d’apprendre, c’est se figer, c’est mourir. Mais dans le zazen, l’apprentissage dépasse l’intellect. Il agit sur le corps tout entier : les muscles, la respiration, la circulation sanguine et lymphatique, les sécrétions cérébrales, la moelle épinière. C’est une transformation globale, inexplicable par les mots.
Au bout du chemin, on lâche tout, on abandonne tout, on oublie tout. Et là, on réalise que tout est déjà naturellement parfait. C’est dans cet oubli même que réside la vraie liberté.