Le souffle

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Kusens de Maître Kosen
Le souffle
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L’être ordinaire est persuadé que le fruit de sa pensée, son concept, est la chose la plus précieuse et la plus élevée. À tel point qu’il va même jusqu’à chercher la vérité, même la vérité divine, dans des livres.

Dans le zen, grâce à la pratique et à l’expérience de zazen, on finit par comprendre que la pensée est un sous-produit de qualité médiocre. Il ne s’agit pas non plus de ne pas penser. Il y en a qui pensent que le zen, c’est arrêter de penser, ce n’est pas le sujet.

Toute notre vie et même à notre mort, puisqu’on meurt en expirant, et qu’on naît en inspirant, est traversée par le fil de l’inspiration et de l’expiration. Sans savoir que tout le secret spirituel, tout le secret de l’homme réside dans son souffle, dans son expiration et dans son inspiration. La véritable pensée, c’est le souffle.

D’ailleurs, quand on est dominé par ses pensées, par ses complications, le souffle est irrégulier et on ne le maîtrise pas. C’est le souffle qui devient esclave de la pensée, des émotions. Dès le moment où l’on maîtrise cette chose la plus précieuse qui soit, puisque c’est avec le souffle que Dieu a donné la vie, c’est la chose la plus précieuse qui soit, tout est possible.

zen dojo

Alors le souffle, ça consiste en quoi ? En l’inspiration ? Parfois, l’inspiration est salvatrice, puisque c’est elle qui nous donne naissance. Parfois, elle est mortelle, si vous respirez un gaz toxique. L’inspiration, c’est ce que vous prenez, c’est ce que vous recevez, c’est aussi ce que vous supportez. Il y a plein d’aspects. On ne peut pas dire l’inspiration c’est bon, l’expiration c’est mauvais, ou le contraire. L’expiration c’est donner, c’est aussi se débarrasser ou se purifier, ou c’est aussi refuser.

J’avais appris ça au théâtre, avant même de faire du zen. J’ai toujours gardé en mémoire cette leçon. On faisait du mime avec un homme qui s’appelait Jacques Lecoq, un grand professeur de mime, et il nous apprenait à donner une fleur imaginaire. Il nous montrait que l’expression silencieuse de donner une fleur changeait totalement. Elle s’exprimait totalement différemment selon le fait qu’on expire en la donnant ou qu’on la donne en inspirant.

On parle de la pensée créatrice de réalité, notamment dans le New Age, mais ce n’est pas la pensée qui est créatrice de réalité, c’est le souffle conscient. Chaque fois que vous expirez, chaque fois que vous soufflez, vous créez la réalité. Chaque fois que vous inspirez, vous recevez la réalité.

L’important, c’est d’expirer une bonne réalité idéale et d’inspirer une bonne réalité. On enseigne dans le zen que la pratique de zazen doit être mushotoku, sans aucun but. On ne doit pas avoir de but en faisant zazen. Pourquoi ? Parce que si on a un but, ça se limite à la dimension de la pensée confuse et polluée. Même la pensée claire est confuse et polluée en comparaison du souffle pur. Quand vous n’avez aucun but, aucune pensée, alors le souffle exprime la conscience juste, inconsciemment, naturellement, automatiquement. Il exprime l’amour et la perfection.

C’est ce qu’on fait en zazen. Assis correctement, dans la bonne posture, concentré sur la respiration, tranquille, on donne et on reçoit, on échange le meilleur. Mon maître disait souvent :

« Les Européens sont bizarres, ils veulent communiquer avec le divin ».

Mais Dieu en vous et autour de vous, c’est le souffle, le souffle divin. En termes de respiration, la pensée, c’est l’expiration et l’inspiration, et la non-pensée, c’est la suspension de la respiration. Quand vous suspendez votre respiration, c’est la non-pensée. Tout ça doit se faire naturellement, doucement, poliment, avec respect pour son propre corps.