La glace dans la flamme

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Kusens de Maître Kosen
La glace dans la flamme
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Published: 15/03/2024 | Updated: 16/05/2024

Il est facile pendant zazen d’avoir envie de fermer les yeux. Mais la posture correcte implique de laisser les yeux mi-clos. C’est très important pour la relation de notre conscience et du monde extérieur. Les yeux sont ouverts, mais ils ne regardent rien. Ils ne fixent pas quelque chose, ni un point ni une particularité.

Je continue les poèmes du Shinjinmei, le plus ancien poème chinois sur le zen. Il dit : « Partout devant nos yeux, il n’y a ni existence ni non-existence ». C’est pour ça que je vous disais qu’il faut garder les yeux mi-clos : pour ressentir la substance véritable des phénomènes. Partout devant nos yeux, il n’y a ni existence ni non-existence. Le poème précédent parlait de notre relation avec le temps. Celui-ci parle de notre relation avec l’espace. L’espace sous-tend l’objet, de même que l’objet sous-tend l’espace. Ils se révèlent tous les deux et se définissent l’un par rapport à l’autre. Le poème précédent parlait du maintenant. Ce poème parle de l’ici. Sensei disait souvent : « On peut revenir ici, mais on ne peut pas revenir maintenant ». Maître Deshimaru dit : « On ne peut pas considérer la religion comme étant seulement le fruit de la difficulté et de la souffrance. » Pourtant dans le zazen, dans le zen, on fait face à la difficulté, à la souffrance, mais elle doit être dépassée. Que sont les difficultés? Qu’est-ce que la souffrance? Qu’est-ce que la joie? Le prix Nobel de physiologie en médecine Konrad Lorenz a écrit que la joie pure naissait de la difficulté. Mais dans le zen, on l’entend un peu différemment. La joie est vaste, globale, fondue, confondue au cosmos. Un disciple demanda à son maître : « Qu’est-ce que le Bouddha ? » Et le maître lui répondit : « C’est un morceau de glace dans une flamme ». Cette réponse semble être une contradiction. Mais coupez toutes les pensées quotidiennes, et la compréhension zen apparaît. C’est l’essence du zen, c’est l’essence du zazen. Même quand vous souffrez, même quand vous avez une mauvaise posture, même si vous avez très mal quelque part dans le dos ou dans les genoux, en pratiquant zazen bravement, on peut couper toutes nos pensées quotidiennes. C’est très important. On peut couper le fil, la chaîne de nos pensées, de notre karma. Quand on sort du zazen, on se sent libre. C’est tout simple, et je suis content parce que c’est quelque chose qui est passé dans la culture mondiale. La méditation est intégrée dans la culture mondiale. Le zen, ce n’est pas une méditation où l’on entretient des images ou des sensations, où l’on regarde des lumières, où l’on imagine des lacs paisibles. Il n’y a pas besoin de penser à « rien », pas besoin de non-pensée. On laisse faire les choses naturellement. Coupez toutes vos pensées quotidiennes, et la compréhension zen apparaîtra : ni existence ni non-existence, vaste, globale. D’où viennent les états de bonheur, de souffrance, d’anxiété ? La glace dans la flamme. Telle est la signification de cette phrase.