Published: 17/04/2024 | Updated: 24/05/2024
J’essaierai de faire un petit kusen une fois par semaine, le samedi, ou le samedi et dimanche. Au mieux on en fera deux. Effectivement, le zazen le plus profond, c’est le zazen silencieux. Mais parfois, pouvoir décrire les choses, les comprendre intelligemment, c’est aussi utile.
Le Shinjinmei est le premier texte bouddhiste zen écrit en chinois. Quand le zen est passé d’Inde en Chine, ça a ouvert les yeux à une compréhension différente, avec l’esprit chinois. La phrase du Shinjinmei est la suivante :
« Illuminer sa propre intériorité par la lumière du vide, cela ne nécessite pas l’usage de la puissance de l’esprit. »
C’est le secret de la méditation, qui est inscrit dans cette phrase. Ça pourrait être un mantra. Qu’est-ce que c’est la méditation ? La méditation, c’est illuminer sa propre intériorité. Qu’est-ce que c’est, sa propre intériorité ? Ça n’a pas de limite, c’est de plus en plus intérieur, c’est de plus en plus imprégné en toute chose. La lumière du vide, c’est éternel, fractal, infini.
Cette phrase, si vous la lisez, si vous la comprenez, vous pourrez comprendre quelle est l’expérience du zazen. C’est très très costaud. On commence par l’esprit intellectuel, ordinaire, discursif, le pour, le contre, le matériel, le spirituel. Puis, sans s’en rendre compte, par la posture de zazen, par les efforts qu’on fait, par la conscience qu’on a de notre corps – parce qu’en fait notre corps, c’est une technologie au sein du cosmos – ces pensées se transforment en lumière, y compris nos os qui nous font mal.
C’est pour ça que la douleur est très importante dans le zazen. J’avais la douleur du débutant quand j’ai commencé zazen, comme tout le monde. On se disait : « Ce n’est pas possible, je ne tiendrai jamais la demi-heure ! ». Et puis après, on dépasse ça, on dépasse ses douleurs, on dépasse des tas de choses. Quand on devient vieux, il faut redépasser encore les douleurs de la vieillesse et la vision qu’on a de notre corps plus âgé, les os qui craquent. Mais on supporte beaucoup mieux la douleur quand on est habitué au zazen.
Les pensées ordinaires s’espacent de plus en plus, comme des nuages dans le ciel. On les laisse passer. La montagne ne fait pas de mouvement pour essayer d’attraper les nuages, elle les laisse passer. Et on arrive à ce que Deshimaru appelait, à ce que les maîtres appelaient la pensée Hishiryo. Shiryo, ça veut dire penser. Hi, ça veut dire sans limite, au-delà. Cette pensée sans limite, au-delà, ne nécessite pas, pour apparaître, la puissance de l’esprit.
Souvent on demande :
– « Que pratiquez-vous ? La méditation ? Comment faites-vous ? ».
La plupart des gens répondent :
– « Il faut se mettre dans le chakra du cœur, et puis il faut faire ceci, il faut faire cela, il faut rejeter les pensées, il faut avoir de la compassion. »
Non ! Dans la vraie méditation, la lumière du vide ne nécessite pas l’usage de la puissance de l’esprit. Ça ne nécessite pas de faire quelque chose. « Méditation » vient du latin « itare in medio ». Revenir en soi-même. Quand on parle de revenir en soi-même, c’est de plus en plus large, de plus en plus vaste, soi-même. Plus on abandonne soi-même, plus il devient large. Itare in medio. Réitérer le retour en soi, revenir en soi-même. En japonais, Komei jisho : sans conscience.
Il faut savoir faire la différence entre communiquer et communier. Mei signifie clarté, lumière, transparence. Ji, c’est le Soi, c’est moi. Même si je m’oublie, même si je ne sens plus mon corps, même si je souffre un martyre, que j’ai une mauvaise posture, c’est moi, c’est mon Soi.
Sho signifie illuminer. Pas illuminé par une grande lumière, un grand spot : illuminer par la disparition, l’absence d’obscurité. On emploie l’expression… j’ai oublié, excusez-moi.
Donc la phrase entière :
« Illuminer sa propre intériorité par la clarté du vide. »
Ça devient vide parce qu’on cesse de considérer. C’est ça que j’avais oublié : cesser de considérer. Donc ça devient vide. Quand ça devient vide, ça devient transparent, ça devient lumineux, non pas par un gros spot, mais par l’absence de considération.
« Illuminer sa propre intériorité par la clarté du vide qui brille, par son propre silence intérieur. »
Non-considération. Cette phrase est l’essence du vrai zen. Si vous réussissez à comprendre ça et à l’expliquer, vous pourrez expliquer aux gens le zazen.
Sensei disait que le zazen n’était pas une méditation. Mais quand on voit la traduction latine de « méditation », on voit que c’en est une, et que vraisemblablement des saints comme Jésus avaient la compréhension de cela.
Il faut bien planter les genoux au sol, les ancrer dans le sol petit à petit, séance après séance, améliorer sa posture. Pour ça, il faut bien basculer le bassin vers l’avant. N’ayez pas peur.