Commentaire de la 58e phrase du Shin Jin Mei

2024 03 15 commentaires shin jin mei
Kusens de Maître Kosen
Commentaire de la 58e phrase du Shin Jin Mei
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Tout ça pour commenter la 58ᵉ phrase du Shinjinmei. Le poème de Sosan est le premier poème zen en Chine.

La phrase 58 dit tout simplement :

En ce qui concerne Hishiryo, le considérer est très difficile.

Hishiryo est un mot japonais inventé par Sosan, et cela signifie la manière de penser qu’on a pendant zazen. « Hi » signifie « absolu ». Shiryô signifie « la pensée ». Alors évidemment, quand on vient pratiquer zazen auprès d’un maître, on lui demande : « Qu’est-ce que c’est que la pensée zen ? Qu’est-ce que c’est que la pensée absolue ? » Le maître répond : « C’est difficile à expliquer. » Pendant 1500 ans, on a essayé d’expliquer Hishiryo. Je vais essayer de développer le sujet plus tard. Ce que j’ai trouvé génial, c’est l’explication de Maître Deshimaru sur Hishiryo.

Maître Dogen avait expliqué Hishiryo en disant que c’est la pensée à partir de la non-pensée, penser du tréfonds de la non-pensée, penser sans penser. C’est toutes les explications qu’a essayé de donner Dogen. Et voilà l’explication de Maître Deshimaru :

Le cortex frontal se repose. Le rhinencéphale, c’est-à-dire l’écorce primitive, observe. Quant au thalamus, le cerveau moyen, il est en activité.

Voilà donc en 2018 ce qu’on est capable d’expliquer sur Hishiryo. C’est quand même génial, ça nous fait comprendre des tas de choses, notamment que quand on parle de pensée, c’est très vague. On peut penser avec différentes zones du cerveau. Il y a la pensée du cortex frontal. C’est par exemple le penseur de Rodin qui tient sa tête appuyée sur son poing et qui réfléchit.

commentaire de la 58e phrase du shin jin mei

Mais en zazen, explique Sensei, le cortex frontal se repose, la pensée ordinaire se repose. C’est déjà une bonne indication. C’est sans doute ce à quoi faisait allusion Dogen en parlant de la non-pensée.

Le rhinencéphale, l’écorce primitive, observe. Cela se situe derrière la nuque. C’est pour ça que la posture est importante. Quand on se positionne dans la bonne posture, automatiquement, le cerveau primitif derrière la nuque entre en activité et il observe.

Quant au thalamus, le cerveau moyen, c’est un peu le centre du cerveau… Le cortex se calme, l’observateur s’éveille et le cerveau moyen entre en activité. C’est ça, Hishiryo.

C’est génial de pouvoir donner une explication pareille 700 ans après Maître Dogen, grâce aux connaissances scientifiques qu’on a. Il n’y a pas plus simple, il n’y a pas plus clair.

Ça nous permet aussi de comprendre le zazen : pourquoi est-ce qu’on devrait se tenir droit ? Pourquoi la position ? Pourquoi rentrer le menton, pourquoi ouvrir la nuque ? On peut aussi se concentrer sur les différentes zones de son cerveau, leur parler, les mobiliser. C’est magique. Un cerveau, c’est fabuleux. Ça a une potentialité fabuleuse.

Sensei disait aussi :

Zazen, c’est penser avec le corps.

C’est-à-dire que le cerveau n’est pas isolé du corps. Il est lié tout d’abord aux reins, qui sont la force physique et la manière de s’implanter dans la vie. Donc là, on parle de la position du bassin, on parle de la concentration sous le nombril. Le surplus des reins crée la moelle épinière qui crée le cerveau. C’est la même chose, c’est relié.

On peut penser avec le corps, c’est pour ça qu’on parle très souvent de la position des mains. Les mains, c’est un peu l’extrémité du cerveau puisqu’on fait tout avec nos mains. Donc la position des mains pendant zazen est très importante. La position des pouces en contact. On va régler la tension du corps par le contact des pouces plus ou moins fort. On va régler aussi l’horizontalité par le contact des pouces. L’amplitude par la position des mains.

Donc je disais que non seulement on peut penser avec le corps, mais on peut penser avec tout ce qui existe dans l’univers. On peut penser avec le mur, on peut penser avec des objets, avec la cloche. Et cela, Dogen le dit souvent dans ses poèmes. On lui demande :

– Mais c’est quoi la nature de Bouddha ou la conscience de Bouddha ?

Et il répond :

– C’est les briques, c’est le ciment, c’est les pierres, c’est les arbres.

Je ne comprenais pas cette métaphore. Pourquoi il nous parle toujours de ces briques, de ces pierres ? Parce que tout ce qui existe est également notre corps. C’est pour ça qu’on a intérêt à préserver l’écologie de cette planète qui est notre propre corps.

Il y a une différence entre le réfléchir mentalement ou intellectuellement et le vivre en avoir conscience. Mais c’est la même chose. Nos mains ou les briques, les briques qui constituent la maison dans laquelle on est, ou la cloche, ou l’encensoir sur l’autel, les bougies ou le parquet, tout ça est aussi intime avec nous que la position de nos mains. Et on peut penser avec le mur, on peut penser avec une voiture dans la rue. On peut penser avec tout.