Published: 20/02/2016 | Updated: 07/07/2024
– Après la mort de mon maître Étienne Zeisler, je suis allé à ma première sesshin hors de la Gendronière, en Suisse. J’avais alors peur d’entrer dans le dojo, mais je n’oublierai jamais la chaleur de ton accueil.
– Moi aussi, j’ai toujours peur de franchir le seuil du dojo. Mais c’est un samu. C’est merveilleux de pratiquer seul, quand on a une certaine maturité. L’enseignement du Bouddha anciennement était que les disciples pratiquaient seuls, dans la nature, tranquillement. Dans le dojo, il y a plein de monde, des amis, des ennemis, des désirs, les gens bougent. C’est très dense, très intense. Mais c’est un samu.
Au début, on se fait moine ou nonne, mais on fuit le monde pour créer un autre monde rempli de nouveaux désirs et de nouveaux attachements. C’est bien de faire des allers-retours entre les deux mondes. Car tu es un bouddha, même dans la vie quotidienne. C’est la continuité du zen de Kodo Sawaki et Taisen Deshimaru. Ça se fait petit à petit. Il ne faut pas s’enfermer dans des schémas. De nouveaux maîtres apparaissent qui montrent un nouvel aspect de la pratique.
– Je croyais que je pouvais pratiquer seul, mais non, je me suis aperçu que j’avais besoin de la sangha.
Je pratique beaucoup seul : rien ne me dérange et je peux continuer tant que je veux. Mais l’enseignement du Bouddha, outre la posture et la respiration, c’est le partage, le samu. Sinon, la pratique s’arrête.
– J’en viens à ma question : comment garder l’esprit du débutant ?
– À propos de la marche méditative kinhin, Nagarjuna expliquait que tu peux connaître le pas précédent et le pas suivant, mais non le pas présent, qui n’est ni commencé ni fini. Tu ne peux à la fois être conscient de toi-même et faire un pas. Quand tu fais ce pas, tu perds conscience, mais tu entres dans l’expérience.
Quant au désir de progresser, c’est une chose qui vient de toi-même. Quand tu es jeune, tu te lèves et tu te demandes : que vais-je apprendre de nouveau aujourd’hui ? Quand tu vieillis, tu cherches la tranquillité et fuis les voyages. Mais tu continues la maçonnerie ?
– Oui, et ça me plaît.
– C’est parfait.