Published: 09/06/2012 | Updated: 20/11/2024
Question : : Je ne sais pas comment poser la question exactement, mais c’est par rapport au souffle, et à la nature.
Quand je vais dans les montagnes, il y a le vent, les arbres, toutes ces choses-là. J’aimerais savoir comment, dans la vie quotidienne, on peut adapter notre respiration. Par exemple, lors de l’expiration, il y a peut-être une tension, puis l’inspiration revient naturellement. Comment faire pour adapter tout ça au quotidien ?
Maître Kosen : C’est une question intéressante. Je vais d’abord expliquer une chose que j’ai dite lors d’un discours sur les cérémonies. J’avais expliqué qu’il y a un monde “ordinaire”, celui de l’extérieur, et qu’entrer dans le dojo, c’est comme entrer dans une cérémonie. Le zazen est en soi une cérémonie.
Dans une cérémonie, on agit dans un cadre bien défini, avec des règles précises. C’est un peu comme un état de “schizophrénie contrôlée”. Prenez l’exemple des chamanes : ils peuvent entrer dans des états de conscience altérés, mais cela reste dans un contexte précis. Si vous faites cela sans cadre, par exemple en récitant des soutras sur le trottoir en allumant de l’encens, vous passez pour un fou !
Dans la vie quotidienne, c’est un peu différent. Un grand maître de médecine chinoise, qui pratiquait aussi le zazen, m’a enseigné une leçon importante : il ne faut pas essayer de maintenir l’état de conscience du zazen en permanence dans la vie quotidienne. C’est dangereux. Quand on sort du dojo, il faut revenir à la simplicité, au naturel.
Cela m’avait choqué au début. Je voyais mon maître sortir du dojo, plaisanter, fumer une cigarette. Certains disaient : “Mais comment peut-il fumer après le zazen ?” Cela ne correspond pas à l’idée qu’on peut avoir.
Cependant, dans la vie quotidienne, on peut garder un “zeste” de zazen, comme un point noir dans le blanc du yin et du yang. Ce petit équilibre est précieux. Dans le dojo, on peut avoir un soupçon d’humanité, mais sans en abuser. De même, dans la vie quotidienne, on peut apporter une touche de spiritualité, mais discrètement, sans ostentation.
Par exemple, si vous êtes au bureau, stressé avant une réunion, prenez une ou deux respirations conscientes avant d’entrer. Cela suffit souvent à vous recentrer.
Question : : Et dans la nature ?
Maître Kosen : Dans la nature, c’est différent. On peut pratiquer d’autres formes de méditation, comme la marche méditative, en lien avec le souffle. C’est grâce à cette pratique que j’ai découvert l’interdépendance entre le souffle interne et le souffle externe.
Quand on s’ouvre à cette interdépendance, on peut ressentir une connexion avec le vent, la nature, tout ce qui nous entoure. C’est une expérience grandiose. La Terre est un être vivant, et nous en faisons partie, comme les bactéries et les champignons qui habitent notre peau font partie de nous.
Cette connexion avec la Terre, c’est quelque chose de précieux. Quand on fait une prosternation (sampaï), par exemple, on s’aligne physiquement et spirituellement avec le centre de la gravité de la Terre. C’est puissant. Nos pieds vont vers le centre de la Terre, l’essence de la matière, ce que les scientifiques appellent le boson de Higgs. Notre tête, elle, se dirige vers l’infini, le vide.
En mettant notre tête au sol dans une prosternation, on relie ces deux dimensions : la matière et le vide. Cela nous recentre, nous reconnecte à la Terre, à son essence, et nous rappelle que nous faisons partie de cet immense système vivant.
Question : : Et cette conscience, peut-elle influencer la nature elle-même ?
Maître Kosen : Absolument. Quand on est en intelligence et en sympathie avec la Terre, des choses étonnantes peuvent arriver. On peut ressentir une sorte de communication avec elle. Par exemple, si un éboulement devait se produire, peut-être que, grâce à cette connexion, vous seriez épargné… mais ce n’est pas garanti, hein !
Avoir ce “feeling” avec la nature est crucial, même si nous ne vivons pas directement dans un environnement naturel. Aujourd’hui, l’homme a dominé et transformé la nature, souvent à son détriment. Mais avec conscience et lumière, il peut recréer un environnement harmonieux, intelligent et en équilibre avec lui-même.
Cela ne signifie pas revenir à un état sauvage hostile, comme une jungle ou un désert, mais plutôt co-créer une nature qui soutienne la vie et l’évolution, pour les hommes comme pour les animaux. Même les animaux peuvent évoluer à travers cette relation. Parfois, on est surpris par leur compréhension, leur intelligence. Mon chien, par exemple, semble parfois me comprendre parfaitement.
Tout cela montre que la spiritualité et la conscience ne sont pas séparées de la vie quotidienne. Elles nous aident à vivre pleinement, en harmonie avec nous-mêmes, avec les autres, et avec la Terre.