Mondo mars 2015

Mondo - questions à un maître zen
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Mondo mars 2015
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Published: 20/03/2015 | Updated: 20/11/2024

“Pourquoi rentre-t-on du pied gauche dans le dojo ?”

Bah, en fait, je ne sais pas. Je ne m’en souviens plus. Je ne sais pas s’il y a une signification spécifique. Je sais qu’on ne doit pas couper, en fait. Le maître doit entrer du pied droit et passer par la droite.

Et les disciples ?

Ils doivent entrer du pied gauche et passer par la gauche. Ils ne doivent pas couper cette ligne. Par exemple, s’ils veulent aller voir le maître, ils doivent faire tout le tour et arriver là. Je sais comment ça marche, mais je ne sais pas si cela a une signification spécifique.

Je pense que c’est un choix. Et c’est bien de se concentrer quand on entre et quand on sort. Alors, quand on sort, on sort du pied droit, et le maître sort du pied gauche avant. C’est un geste symbolique qui s’est transmis. Dôgen a expliqué tout cela, les bonnes manières convenables.

Comme on n’a que deux pieds, il faut bien en choisir un, ainsi qu’un côté. Cela évite une certaine confusion. Ce rituel peut sembler être de la maniaquerie. En fait, tout ce rituel, pour quelqu’un comme moi, peut paraître maniaque. D’enjamber la poutre, de rentrer avec le pied gauche, de ne pas laisser les bras ballants, de faire le tour de son coussin. Il y a tout un code précis de comportement qui, avec le temps, devient naturel.

Le dojo, c’est spécifique. Moi, par exemple, je fais zazen chez moi, dans une pièce réservée à cela, mais ce n’est pas un dojo. J’ai d’autres règles et références chez moi. Mais le dojo, c’est une pratique collective, très puissante, qui laisse une empreinte dans la vie quotidienne. Je me rends compte, en vieillissant, que cela influence ma manière de faire les choses : travailler, cuisiner, vivre. C’est un art de vivre. Un art avec un commencement, une direction et une fin. Cela imprègne toute la vie.

“Qu’en est-il du kyosaku ? À quel moment est-il utile de le demander ?”

Normalement, dans un dojo traditionnel, on ne demande pas le kyosaku, il est donné d’office. Les kyosaku men, ceux qui tiennent le bâton, observent. Si quelqu’un bouge, cligne des yeux ou gigote trop, ils tapotent l’épaule pour saluer, puis administrent un coup. Mon maître donnait un coup sur chaque épaule pour équilibrer.

En Europe, les gens s’intéressaient au massage et au shiatsu, alors il a dit : “Bon, je vais frapper les deux épaules.” Cela ressemblait à une forme de massage. Comme les gens voyaient cela ainsi, il a permis qu’on le demande. Nous sommes donc passés du kyosaku d’office à un kyosaku demandé. Mais en réalité, le kyosaku d’office est meilleur : cela renforce la concentration, car on a peur de recevoir un coup.

Aujourd’hui, avec les sensibilités culturelles, on ne peut plus donner le kyosaku d’office. Il faut dire : “Il l’a demandé.” Cela évite des problèmes juridiques. On est donc dans une relation consentie, ce qui est déjà mieux. On demande poliment le kyosaku quand la personne passe derrière nous. Pas quand elle est de l’autre côté du dojo. Cela demande de l’intuition, sans trop penser.